Pour détendre un peu l’atmosphère, nous allons parler mort et suicide. La conclusion est que non seulement on ne peut pas trop compter sur l’État pour nous aider à vivre, mais ils ne sont pas très doués non plus pour nous aider à mourir.
Nous aurons une mort lente et douloureuse, le titre de ce que j’écris en ce moment.
Note: je ne traduis pas les tableaux, ça me laisse le temps de promener le chien dans la nature, qui, elle, va très bien.
Si vous pensez que le suicide assisté garantit une mort rapide et indolore, des données provenant de l’Oregon vous y feront réfléchir à deux fois
par Nick Rendell
13 avril 2024

Le suicide, c’est un peu une question de réussite ou d’échec. Je me souviens de six personnes que j’ai connues qui ont mis fin à leurs jours. L’un d’entre eux, un chef d’entreprise très prospère, s’est jeté par la fenêtre de son bureau; il a survécu à cette chute, mais s’est pendu quelques années plus tard. La petite amie d’un locataire a survécu à une tentative où elle s’est jetée sous une rame de métro: elle a sauté trop tard et a été projetée sur le quai, où elle s’est brisé la hanche. Quelque temps plus tard, elle aussi est parvenue à ses fins en se jetant du haut du cap de Beachy Head. Une connaissance d’affaires, à qui on avait diagnostiqué la maladie de Parkinson, s’est littéralement fait sauter la cervelle avec un fusil de chasse, en laissant à sa femme le soin de nettoyer les dégâts. La petite amie d’une autre connaissance s’est suicidée lorsque son petit ami est parti à l’université, et ce dernier, ma connaissance, lui a emboîté le pas le jour de l’anniversaire de sa mort. Enfin, un nouveau venu à l’université que je connaissais, déprimé et seul dans sa résidence, s’est suicidé lors du premier confinement. Une mort apparemment sinistre et très lente. Je tiens Ferguson, Whitty, Boris [NdT. Neil Ferguson, le statisticien, Chris Whitty, Médecin en chef et Boris Johnson, Premier Ministre] et tous ces tarés pour responsables de cette mort.
Sur les six, deux ont échoué à la première tentative. Deux avaient accès à des fusils de chasse et ont réussi leur coup. Deux autres ont utilisé un cocktail de drogues qui, bien que fatal, n’a été ni rapide ni indolore, d’après ce que l’on m’a dit. Le fait de sauter de Beachy Head témoigne d’un niveau de détermination qui dépasse mon imagination. La moitié d’entre eux étaient de grands adolescents ou des jeunes d’une vingtaine d’années. Chacun d’entre eux constitue une tragédie à sa manière, laissant derrière lui souffrance, cœurs brisés et complications incalculables.
À mes yeux, un seul de ces décès a un sens. Je pense qu’un psychiatre serait de cet avis. Cependant, comme on le voit au Canada, et qui sait peut-être bientôt au Royaume-Uni, si ceux qui préconisent le suicide assisté par l’État parviennent à se calquer sur le Canada et à en faire un droit de l’homme, ce ne seront pas des médecins qui prendront ce genre de décision, mais des « avocats des droits de l’homme », y donnant ainsi accès à tous ceux qui, avec un peu d’aide, pourraient reprendre leur vie en main.
Étant donné que deux des tentatives de suicide que j’ai décrites se sont soldées par un échec mais par des blessures importantes, je conçois qu’il existe un argument en faveur de l’implication de l’État et d’un médecin – l’argument fondé sur l’« utilité ». Il est certain que si un médecin est impliqué, même si le suicide reste une erreur aux yeux de tous les autres, alors, pour citer Macbeth:
Si c’est fait quand c’est fait, alors il serait bon que ce soit fait rapidement.
Il est certain que l’intervention d’un médecin rendrait au moins les choses plus propres et plus efficaces.
Cependant, mes connaissances ne sont pas les seules à avoir tendance à rater leurs tentatives de suicide; la plupart des tentatives sont infructueuses. Je doute que les données sur l’efficacité des tentatives de suicide soient particulièrement précises, mais le graphique de la Figure 1 reflète les estimations que j’ai lues. 17,5% des tentatives utilisant une arme à feu échouent. 40% des pendaisons échouent. Mon dieu, même 70% des personnes qui se jettent dans le vide survivent! On ne peut qu’imaginer les blessures qui en résultent.

Apparemment, seulement 5% des personnes qui survivent à une tentative de suicide se suicident dans les cinq années qui suivent. Il est clair que la plupart des personnes qui ratent leur suicide finissent par dépasser ce stade. Je ne suis pas sûr qu’obtenir une aide professionnelle pour améliorer le taux de réussite de la première tentative soit nécessairement une bonne idée.
Cependant, les médecins sont-ils en mesure d’améliorer les tentatives maladroites de mettre un terme à sa propre vie? Après avoir examiné les faits, j’ai été surpris de constater qu’il serait préférable de faire appel à un ouvrier d’abattoir plutôt qu’à un médecin. Les abatteurs tuent des centaines de grands mammifères chaque année, sans le moindre faux pas.
Ça ne vient peut-être pas immédiatement à l’esprit, mais les médecins, en tout cas dans les pays où l’aide à la mort ou la peine de mort existent déjà, tuent déjà pas mal, même si je ne suis pas sûr qu’ils puissent faire jeu égal avec les abatteurs.
Il y a eu 24 exécutions aux États-Unis en 2023. En 1999, l’enthousiasme a atteint son apogée avec 98 prisonniers mis à mort. En revanche, au Canada, quelque 17 500 personnes auront été « euthanasiées » en 2023. Cela représente près de 50 décès par jour! Ce n’est pas rien. Le Canada, dont la population représente un huitième de celle des États-Unis, tue chaque jour deux fois plus de personnes que les États-Unis n’en exécutent en un an.

Au vu d’autant de tueries, on pourrait penser que les médecins canadiens et américains sont passés maîtres dans l’art. Apparemment, ce n’est pas le cas!
L’exécution des condamnés à mort prend diverses formes: injection létale, gaz, chaise électrique, pendaison et peloton d’exécution. Toutes posent des problèmes. De nombreux articles de presse décrivent toutes sortes d’horreurs: le temps que met le prisonnier à mourir, les difficultés à introduire l’aiguille dans la veine, les défaillances des chaises électriques, les pelotons d’exécution qui ratent leur coup. Pour avoir tué quelques poulets et, sur une note plus triste, une vieille brebis très malade dans une ferme ovine australienne, j’éprouve une grande sympathie pour ceux qui sont appelés à tuer et pour les difficultés pratiques qui se présentent lorsqu’on foire ce qui, sur le papier, semblerait être la tâche la plus simple qui soit.
John Wyatt, professeur émérite de pédiatrie néonatale, a écrit un article très émouvant dans le Spectator concernant l’impact probable sur les médecins praticiens si un projet de loi récemment rédigé par les libéraux démocrates écossais et légalisant l’« aide à la mort » est adopté par le Parlement de Holyrood. Les médecins se trouveraient alors dans l’obligation de tuer des patients. Comment concilier cela avec l’objectif premier d’un médecin, à savoir « ne pas nuire »? Dans l’article, il note que le code d’Hippocrate interdit aux médecins de participer à des exécutions judiciaires. Il est clair que l’éthique qui consiste à étendre le devoir d’un médecin au meurtre de ses patients pose d’énormes dilemmes éthiques.
Selon moi, l’un des points les plus intrigants soulevés par Wyatt est que « une fois que le médecin aura certifié le décès, il sera légalement chargé de produire un certificat de décès faux et manifestement trompeur – en disant que la cause certifiée du décès était la maladie sous-jacente, plutôt que le poison mortel qui venait d’être administré ». Compte tenu de la controverse qui a eu lieu pendant la « pandémie » sur l’enregistrement des décès « avec » ou « à cause » du Covid, et de la corruption des données sur la mortalité « toutes causes confondues », le sceptique que je suis se méfie fortement de ce tour de passe-passe.
Beaucoup diront qu’il y a une grande différence entre exécuter un meurtrier et mettre fin à la vie d’une personne en phase terminale ou qui, pour une raison ou une autre, souhaite qu’on l’aide à mettre fin à ses jours. Nombreux sont ceux qui affirment qu’il y a une différence sur le plan moral. Mais une question que je n’avais jamais envisagée auparavant est celle du « comment ». Comment s’y prend-on pour tuer quelqu’un?

En abordant ce problème, je suis redevable à l’un des commentateurs réguliers du Daily Sceptic qui, sous l’un de mes récents articles, a renvoyé à un billet de blog de Sir Desmond Swayne MP qui incluait un rapport du département de la santé de l’Oregon, intitulé « Death with Dignity« (La mort dans la dignité). Ce rapport détaille les résultats annuels de la loi sur l’aide à la mort de l’Oregon.
C’est dans le domaine de l’efficacité que le rapport de l’Oregon est le plus éclairant. Commençons par un peu de contexte. Dans l’Oregon, on ne tue pas les gens à l’échelle industrielle du Canada, mais on parvient tout de même à tuer plus de 20 fois le nombre de personnes exécutées dans l’ensemble des États-Unis.
En 2023, 560 personnes se sont vu prescrire des drogues létales. Parmi elles, 367 – soit 65% – ont succombé au cocktail. Les 193 autres personnes n’ont pas succombé aux médicaments: soit elles ne les ont pas pris, soit elles sont mortes d’une autre cause avant de les avoir ingérés, soit les médecins ont perdu leur trace.

Le rapport comprend un résumé pratique de ce qu’il est advenu des personnes auxquelles ces médicaments ont été prescrits en 2023, que j’ai reproduit dans la figure 5.

Soit dit en passant, il convient de noter que 17 patients, vraisemblablement du groupe qui n’a pas « ingéré » les médicaments, ont survécu à la durée résiduelle de vie de six mois, durée maximale, selon le médecin, qu’un patient qui remplit les conditions requises pour bénéficier du suicide assisté est censé vivre. Quoi qu’il en soit, vous pouvez constater que rien n’est simple et que, pour une personne qui envisage de se suicider, ce n’est pas non plus très rassurant.
Les tableaux suivants sont extraits du rapport.
Tout d’abord, examinons les « complications ». La première chose qui frappe dans ces résultats, c’est leur caractère incomplet. Sur les 367 personnes qui ont ingéré le poison, il n’y a pas de données pour 265 d’entre elles (72%). Sur les 102 (28%) pour lesquels on dispose de données, 8% ont eu des difficultés à avaler ou ont régurgité le poison. Un patient a eu une crise d’épilepsie.

Il semble étrange que, pour la plupart des patients, aucune donnée ne soit disponible. Toutefois, le tableau suivant fournit quelques indices sur les raisons de cette lacune. La figure 7 montre qui était avec le patient lorsqu’il a pris les médicaments ou qu’il en est mort. Pour seulement 58 (16%) des 367 patients, le médecin prescripteur était présent lorsque le « médicament » a été ingéré. Dans 44 cas seulement (12%), le médecin était présent lorsque le patient est décédé.

Dans 14 cas, le médecin semble avoir quitté le patient entre l’ingestion et le décès. De même, sur les 258 cas pour lesquels on dispose de données, 43 semblaient être seuls au moment de l’ingestion du « médicament », mais 168 semblaient être seuls au moment du décès. Tout cela suggère que le « médicament » n’agit pas si rapidement que cela.
La figure 8 nous indique la rapidité avec laquelle le « médicament » agit. Pour 34% des patients, on ne dispose d’aucune donnée. Sur les 64% pour lesquels des données sont disponibles, il a fallu entre une minute et plus de huit heures (488 minutes) pour que le patient perde conscience, avec un temps médian de cinq minutes. Le décès a pris plus longtemps. Le temps médian jusqu’au décès était de 53 minutes, tandis qu’au moins une pauvre âme a mis 137 heures, soit pas loin de six jours pour mourir! Imaginez que cela se produise dans une chambre d’exécution ou même dans un abattoir.

La figure 9 présente des données sur le « pourquoi ». Pourquoi ces 367 personnes voulaient-elles mourir? Seules 34% ont mentionné un contrôle inadéquat de la douleur. Pour la plupart, c’était la perte d’autonomie, le fait d’être un fardeau pour leur famille ou le fait de ne pas pouvoir profiter de la vie.

Le message que je retiens du rapport de l’Oregon est que les mécanismes dans leur ensemble semblent très confus. Certes, ces données sont limitées à l’Oregon. Les choses se passent peut-être mieux au Canada, aux Pays-Bas ou en Belgique. Il est possible qu’on fasse mieux en Écosse ou, à terme, en Angleterre et au Pays de Galles, lorsque la loi sera inévitablement introduite, mais j’en doute.
Je pense que tuer une personne peut être une tâche aussi confuse et pénible que celle de tuer cette vieille brebis en Australie, il y a 40 ans. En tout cas, après avoir été assez équivoque sur l’aide à la mort, je ne pense pas, à la lecture de ce rapport, que je recommanderais volontiers cette option à mes proches.
J’ai toujours été un peu gribouilleur. Lors de réunions ennuyeuses, j’ai souvent dessiné une guillotine que je pourrais construire dans mon garage. J’avais décidé que ce serait probablement le moyen le plus rapide et le plus indolore de mourir. La conception était ingénieuse, si je puis dire. Cependant, ces dernières années, j’avais plutôt pensé que je serais heureux de laisser les professionnels s’en charger le moment venu. Eh bien, plus maintenant. Il faut que je déniche ces vieux cahiers, je pense que ma guillotine artisanale ou l’abatteur du coin seront plus efficaces.