Mimétisme toxique – par Derrick Jensen.

Source.


Traduction

Mimétisme toxique

Extrait de « Endgame » de Derrick Jensen, p. 163

Bien sûr que tout le monde est dépendant. L’une des grandes vanités de ce mode de vie est de faire comme si nous étions indépendants de nos terres, et même de nos corps : que des cours d’eau non-pollués (ou du lait maternel non-pollué) et des forêts intactes sont un luxe. Nous pensons que nous pouvons détruire le monde et nous en nourrir. Que nous pouvons empoisonner nos corps et vivre dans ces mêmes corps. C’est de la folie. Les Tolowa dépendaient du saumon, des myrtilles, des cerfs, des palourdes, etc. qui les entouraient. Mais ceux-là aussi dépendaient des Tolowa et les uns des autres, comme c’est le cas dans toute relation à long terme.

J’ai passé quelques jours à essayer de comprendre les différences entre ces formes de dépendance: la dépendance parasitaire entre maître et esclave, entre dépendant et dépendance d’une part, et la dépendance bien réelle sur laquelle toute vie est basée d’autre part. Bien sûr, dans certains cas, la différence est évidente : la dépendance est à sens unique. Le monde naturel ne reçoit rien de notre asservissement, ou du moins rien qui l’aide (la dioxine ne compte pas). Si les esclaves domestiques reçoivent généralement de la nourriture, des vêtements et un abri, il y a de fortes chances qu’ils puissent les obtenir sans devoir littéralement se soumettre à l’esclavage. Mais dans d’autres cas, les différences sont plus subtiles. Mes étudiants à la prison ont certainement retiré quelque chose des drogues, sinon ils ne les auraient pas prises volontairement. Les adultes qui vivent des relations abusives retirent manifestement quelque chose de ces relations – ou du moins ont le sentiment d’en retirer quelque chose – sinon ils s’en iraient. Mais quoi? Les antécédents de bon nombre de mes étudiants ne sont pas exactement empreints d’amour, mais plutôt du genre de sévices extrêmes qui feraient paraître même mon père comme un homme charmant. Beaucoup ont été élevés dans des conditions d’oppression de race et de classe. Pour eux, ces drogues neutralisent peut-être, comme on dit, la réalité oppressante. Mais cela va encore plus loin: je sais que de nombreux peuples indigènes dans le monde utilisent rituellement (et pour la plupart très rarement) des pratiques ou des substances psychotropes afin d’acquérir une meilleure perception. Quelle est la relation, s’il y en a une, entre la consommation de drogues par mes étudiants et cette altération de l’esprit pratiquée par les peuples indigènes? Je n’en sais rien. En ce qui concerne les relations abusives, je sais que dans ma propre famille, ma mère était convaincue (par mon père et par la société) qu’elle n’avait pas d’autres options, que quitter la personne qui l’abusait entraînerait une grande souffrance. Elle risquait de perdre ses enfants, voire sa vie. En contrepartie de cette violence physique et psychologique, elle a pu vivre dans une belle maison. Mais il y a plus.

Tout au long de la semaine dernière, deux mots n’ont cessé de me venir à l’esprit : mimétisme toxique.

Avant je croyais que la civilisation était une culture de parodies. Le viol est une parodie du sexe. Les guerres civilisées sont des parodies des guerres indigènes, qui sont une forme de jeu relativement non-mortelle et exaltante, ce qui signifie que la guerre civilisée est une parodie du jeu. Les relations abusives sont une parodie de l’amour. Les villes sont des parodies des communautés, et la citoyenneté est une parodie de l’appartenance à une communauté fonctionnelle. La science – qui repose sur la prédiction et le contrôle extrême – est une parodie du plaisir que l’on éprouve à prédire et à satisfaire les besoins ou les désirs de ses amis et de ses proches (j’ai compris cela l’autre jour en voyant la joie de mes chiens à deviner si j’allais tourner à gauche ou à droite lors d’une promenade, et en ressentant ma propre joie à deviner la même chose pour eux). L’utilisation récréative des états altérés dans notre culture est une parodie de leurs utilisations traditionnelles. Chacune de ces parodies prend la forme mais ignore l’âme et l’intention de ce qui est parodié.

Mais récemment, un ami m’a convaincu que ce n’était pas tout à fait exact : la parodie n’ignore pas l’intention, mais la pervertit et tente de la détruire. Le viol est une imitation toxique du sexe. La guerre est une imitation toxique du jeu. Le lien entre le propriétaire d’esclave et l’esclave est une imitation toxique du mariage. Le mariage est une imitation toxique du mariage, d’un véritable partenariat dans lequel toutes les parties aident les autres à être plus pleinement elles-mêmes.

J’aime l’expression « mimétisme toxique », mais elle ne m’a pas vraiment aidé à découvrir la relation entre ces types de dépendance. J’ai demandé à ma mère.

Elle m’a donné la réponse en un mot: « Identité ».

« Vraiment », ai-je dit. Je n’avais aucune idée de ce dont elle parlait.

« Les agresseurs n’ont pas d’identité propre. »

J’allais lui demander ce qu’elle voulait dire, mais je me suis soudain souvenue d’une conversation que j’avais eue des années auparavant avec Catherine Keller, théologienne et philosophe féministe, et auteur de From A Broken Web. Nous avions parlé de la façon dont les abus se transmettent de génération en génération, et de ce que ces abus – tant au niveau personnel que social – font à notre identité. Elle a expliqué que toutes les cultures n’ont pas été fondées sur la domination, puis a parlé de l’essor de cette culture et de ses effets : « Au sein d’un groupe dans lequel les mâles guerriers prennent le dessus et dominent la tribu ou le village, chaque membre du groupe commencera à développer une sorte de moi différent de celui des peuples précédents, un moi qui reflète les défenses que la société elle-même configure… Une autre façon de le formuler est que si les gens essaient de nous contrôler, il nous sera très difficile – en partie à cause de notre peur – de maintenir une ouverture à eux ou aux autres. Très souvent, la douleur que nous avons reçue sera ensuite transmise à d’autres personnes. À maintes reprises, nous constatons que la cause de la douleur – la destructivité et les abus – découle d’une blessure antérieure. Il en résulte un tissu de personnalités incroyablement défensives qui ont émergé de ce paradigme de la domination. Et parce que les personnes qui incarnent le personnage défensif dominent ces sociétés, ce genre de défensive auto-destructrice et destructrice de la communauté et de l’écologie a tendance à proliférer de manière cancéreuse. »

Je lui ai demandé ce qu’elle entendait par « défensive ».

Elle m’a répondu: « Alan Watts a dit que l’une des principales hallucinations de la culture occidentale – et j’ajouterais du paradigme de la domination – est la croyance que nous sommes un ego encapsulé dans une enveloppe de peau. Et tout comme la peau nous défend des dangers du monde physique, l’ego nous défend des dangers du monde psychique. Cela conduit à ce que j’ai appelé le moi séparateur. L’étymologie du mot séparé est très révélatrice. Il vient de la combinaison du mot latin signifiant « soi », se, qui signifie « par soi-même », et de parare, « préparer ». Dans cette culture, c’est la séparation qui prépare le chemin vers l’autonomie. »

Tout cela m’a fait penser à ma relation avec ma mère. Je vis très près de chez elle – à six cent mètres – et je vivrai près de chez elle pour le reste de sa vie. Cela est dû en partie à des problèmes de santé, tant pour moi que pour elle – j’ai la maladie de Crohn, elle a des problèmes de vue -, en partie au fait qu’elle fait partie de la famille, et en partie au fait que j’aime sa compagnie. Il est probable qu’elle aime aussi la mienne. Dans ma vingtaine et au début de ma trentaine, cet arrangement m’a valu de nombreuses critiques de la part de certaines de mes connaissances blanches – jamais de la part d’amis – qui m’ont dit que je souffrais de ce qu’ils appelaient l’angoisse de la séparation et que, pour grandir et devenir pleinement moi-même, je devais partir loin. Je n’ai pas vraiment compris cela, parce que j’ai ma propre vie (tout comme elle), et parce que l’arrangement – à l’époque, nous vivions à environ huit kilomètres l’un de l’autre – nous convient à tous les deux, tant sur le plan pratique qu’émotionnel, et parce que je savais que depuis toujours – à l’exception des cent dernières années – on s’attendait à ce que les aînés vivent avec ou près d’un ou plusieurs de leurs enfants. Le changement a été soudain. Il m’a semblé significatif qu’aucun de mes amis indigènes ou du Tiers Monde n’ait jamais trouvé cet arrangement autre que normal. En fait, lorsque je disais à mes connaissances blanches que la raison pour laquelle nous pouvions vivre si proches était en partie due au fait que je disais clairement non aux choses que je ne voulais pas faire pour elle – par exemple, je n’aime pas aller à l’épicerie et je ne l’y emmène pas – ils hochaient la tête et me disaient que j’avais de bonnes limites. Lorsque j’ai dit la même chose à mes amis indigènes ou du Tiers Monde, ils m’ont regardé, peinés et dégoûtés, puis m’ont demandé: « Avec ses problèmes de vue, comment fait-elle pour aller à l’épicerie? »

Catherine poursuit: « La croyance selon laquelle la séparation prépare la voie à l’épanouissement personnel pose de nombreux problèmes, dont le moindre n’est pas qu’elle ne correspond pas à la réalité. Nous savons qu’au niveau physique, on n’est pas ‘tout seul’, que nous devons respirer, manger et excréter, et que même à l’échelle moléculaire, nos frontières sont perméables. Il en va de même sur le plan psychique. La vie se nourrit de la vie, dit Whitehead, et si nous nous coupons de la façon dont nous nous nourrissons psychiquement les uns les autres, la texture de nos vies devient très mince et plate. Lorsque nous vivons dans un état de défense, nous ne nous nourrissons pas, moment après moment, de la richesse des relations sans fin dans lesquelles nous existons.

« Pour que le système de domination se perpétue, il doit y avoir des récompenses claires pour ceux qui parviennent à maintenir un état de déconnexion. Les gens doivent être formés et initiés à cet état, et ils doivent être récompensés par un sentiment de dignité, voire de virilité, s’ils sont capables de maintenir un sentiment d’autocontrôle – par opposition à la conscience de leur expérience – et un sentiment de contrôle sur leur environnement, qui inclut autant de personnes que possible.

« Lorsque la société est organisée de telle sorte que ceux qui sont au sommet bénéficient du travail de la majorité, il existe de fortes incitations à développer le type d’identité personnelle qui permet d’y parvenir. Le seul type d’identité personnelle qui permet d’y arriver est celui qui permet de désensibiliser l’empathie. Pour maintenir le système de domination, il est crucial que l’élite apprenne cet insensibilisation empathique, semblable à ce que Robert Jay Lifton appelle « l’insensibilisation psychique », afin que ses membres puissent contrôler et, si nécessaire, torturer et tuer sans être anéantis. Si ses membres sont incapables de réaliser cet insensibilisation, ou s’ils n’ont pas été formés correctement, le système de domination s’effondrera. »

C’est l’une des raisons, selon elle, pour lesquelles la civilisation coopte si souvent les mouvements d’opposition à la domination. « La société telle que nous la connaissons pourrait bien avoir besoin, poursuit-elle, de vivre de l’énergie des mouvements alternatifs. Elle a besoin de sucer notre sang pour se nourrir, en partie parce qu’un système de domination sera toujours sous-alimenté. »

« Comment cela? »

« Une fois que nous nous débranchons de nos connexions vitales – des connexions proches de la fibre de ce que nous appelons la nature, où il n’y a pas de barrières entre les relations mutuelles des choses – une fois que nous nous débranchons de la façon dont tout se ramifie en tout, et que nous poursuivons plutôt les objectifs de la civilisation telle que nous la connaissons, la source d’énergie doit venir d’ailleurs. Dans une certaine mesure, elle peut provenir de l’exploitation du travail des pauvres, et dans une certaine mesure, elle peut provenir de l’exploitation du corps des animaux et des personnes traitées comme des animaux. L’exploitation du corps des femmes donne beaucoup d’énergie. Mais le parasitisme de la culture dominante est sans fin, car une fois que l’on se coupe du libre flux de la vie mutuellement perméable, il faut récupérer sa vie d’une manière ou d’une autre, artificiellement. »

Je suis revenu à la conversation avec ma mère, et je l’ai entendue dire: « C’était une partie du problème de ton père. Il n’avait pas d’identité propre bien définie, c’est pourquoi il était si violent. Parce qu’il n’était pas sûr de sa propre identité, pour exister, il avait besoin que ceux qui l’entouraient soient constamment son miroir. Lorsque vous, moi ou vos frères et sœurs ne correspondaient pas à ses projections – lorsque nous montrions la moindre étincelle de ce que nous étions réellement, le forçant ainsi à se confronter à une autre personne différente de lui-même – il était terrifié, ou du moins il l’aurait été s’il s’était autorisé à le ressentir. Mais cette terreur était trop effrayante, et donc il se mettait en colère. »

Je l’ai regardée. Je n’avais jamais entendu cette analyse auparavant. C’était très bien. Je me disais aussi que si mon éditeur était présent, il s’arracherait probablement les cheveux devant son penchant pour les commentaires entre parenthèses, tout comme il le fait devant les miens.

Elle poursuivit : « Son manque d’identité bien assurée est aussi la raison pour laquelle il était si rigide. Si on n’est pas à l’aise avec ce qu’on est, on doit forcer les autres à se confronter à nous uniquement selon nos propres termes. Tout le reste est encore une fois trop effrayant. En revanche, si on se sent bien avec qui on est, il n’y a aucun problème à laisser les autres être eux-mêmes autour de soi : on a confiance dans le fait que, qui qu’ils soient et quoi qu’ils fassent, on sera capable de répondre de manière appropriée. On peut être fluide et répondre différemment à différentes personnes, en fonction de ce qu’elles attendent de nous. Il ne pouvait pas le faire ».

Cette même chose se produit à une plus grande échelle, bien sûr. Morts à l’intérieur, nous considérons que le monde lui-même est mort, puis nous nous entourons des corps de ceux que nous avons tués. Nous créons des paysages urbains où nous ne voyons pas d’êtres libres et sauvages. Nous voyons du béton, de l’acier, de l’asphalte. Même les arbres dans les villes sont en cage. Tout reflète notre propre enfermement. Tout reflète notre propre mort intérieure.

« Encore une chose », a dit ma mère. « Cette absence d’identité est l’une des raisons pour lesquelles tant d’agresseurs tuent leur partenaire lorsque celui-ci tente de partir. Ils ne perdent pas seulement leur partenaire (et leur punching-ball) mais aussi leur identité. »

C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles cette culture doit tuer tous les peuples non civilisés, humains et non humains: afin d’exclure la possibilité de notre fuite.


Texte original

Toxic mimicry

Excerpt from « Endgame » by Derrick Jensen, p. 163

Of course everyone is dependent. One of the great conceits of this way of life is to pretend we’re independent of our landbases, and indeed of our bodies: that clean streams (or clean breastmilk) and intact forests are luxuries. We pretend we can destroy the world and live on it. We can poison our bodies and live in them. This is insane. The Tolowa were dependent on the salmon, huckleberries, deer, clams, and so on who surrounded them. But these others, too, were dependent on the Tolowa and on each other, as happens in any long-term relationship.

I’ve spent a few days trying to figure out the differences between these forms of dependency: the parasitic dependency between master and slave, between addict and addiction on one hand, and the very real dependency on which all life is based on the other. Sure, in some cases the difference is obvious: the dependence is one-way. The natural world gets nothing out of our enslavement of it, or at least nothing that helps it (dioxin doesn’t count). While chattel slaves generally receive food, clothing, and shelter, chances are good they could derive these without literally slaving away their lives. But in other cases the differences become more subtle. My students at the prison by all means gained something from drugs, else they would not have voluntarily taken them. Adults in abusive relationships obviously gain something from the relationships—or at least perceive they gain something from them—else they would walk away. But what? The backgrounds of many of my students are not exactly filled with love but rather the sort of extreme abuse that makes even my father seem a delight. Many were raised under conditions also of race and class oppression. For them perhaps these drugs neutralize, as they say, oppressive reality. But it goes even deeper: I know that many indigenous peoples the world over ritually (and for the most part very infrequently) use mind-altering practices or substances in order to gain insight. What is the relationship, if any, between my students’ use of drugs and this mind-altering by indigenous peoples? I don’t know. And so far as abusive relationships, I know that in my own family, my mother was convinced (by my father, and by society) that she had no other options, that to leave the person who was abusing her would be to suffer greatly. It would be to lose her children, and possibly her life. In exchange for suffering this physical and emotional abuse, however, she did get to live in a nice house. But there’s something more.

All last week two words have kept coming to mind: toxic mimicry.

I used to believe that civilization is a culture of parodies. Rape is a parody of sex. Civilized wars are parodies of indigenous warfare, which is a relatively nonlethal and exhilarating form of play, meaning civilized warfare is a parody of play. Abusive relationships are a parody of love. Cities are parodies of communities, and citizenship is a parody of being a member of a functioning community. Science—with its basis in prediction and extreme control—is a parody of the delight that comes from being able to predict and meet the needs or desires of one’s friends and neighbors (this one came clear to me the other day on seeing my dogs’ joy at guessing whether I was going to turn left or right on a walk, and feeling my own joy at guessing the same for them). This culture’s recreational use of altered states is a parody of their traditional uses. Each of these parodies takes the form yet ignores the soul and intent of that which is being parodied.

But recently a friend convinced me that’s not entirely accurate: the parody doesn’t ignore the intent, but perverts and attempts to destroy it. Rape is a toxic mimic of sex. War is a toxic mimic of play. The bond between slave owner and slave is a toxic mimic of marriage. Heck, marriage is a toxic mimic of marriage, of a real partnership in which all parties help all others to be more fully themselves.

I like the phrase toxic mimic, but it didn’t quite help me uncover the relationship between these types of dependency. I asked my mom.

She gave me the answer in one word: “Identity.”

“Really,” I said. I had no idea what she was talking about.

“Abusers have no identity of their own.”

I was going to ask what she meant, but I suddenly remembered a conversation I’d had years before with Catherine Keller, a feminist theologian and philosopher, and author of From A Broken Web. We’d been talking about how abuse communicates itself from generation to generation, and about what that abuse—on both personal and social levels—does to who we are. She talked about how not all cultures have been based on domination, then spoke of the rise of this culture, and the effects of this rise: “Within a group in which warrior males are coming to the fore and dominating the tribe or village, everyone in the group will begin to develop a sort of self that is different from that of earlier peoples, a self that reflects the defenses the society itself configures.. . . Another way to put this is that if people are trying to control you, it will be very difficult for you—in part because of your fear—to maintain an openness to them or to others. Quite often the pain you received you will then pass on to other people. Over and over we see the causing of pain—destructiveness and abuse— flowing out of a prior woundedness. We’re left with an incredibly defensive fabric of selves that have emerged from this paradigm of dominance. And because the people who embody the defensive persona will dominate these societies, this kind of self-damaging and community-destroying and ecology-killing defensiveness tends to proliferate cancerously.”

I’d asked her what she meant by defensiveness.

She’d responded, “Alan Watts said one of the prime hallucinations of Western culture—and I would add of the paradigm of dominance—is the belief that who you are is a skin-encapsulated ego. And just as the skin defends you from the dangers of the physical world, the ego defends you from the dangers of the psychic world. That leads to what I have termed the separative self. The etymology of the word separate is very revealing. It comes from the combination of the Latin for “self,” se, meaning “on one’s own,” and parare, “to prepare.” For this culture it is separation which prepares the way for selfhood.”

This all made me think of my relationship with my mom. I live very close to her—three-eighths of a mile—and will live near her for the rest of her life. Part of this has to do with health problems on both my and her parts—I have Crohn’s disease, she has vision problems—part of it has to do with the fact that she is family, and part of it has to do with the fact that I like her company. She presumably likes mine as well. Through my twenties and early thirties I took a lot of flak for this arrangement from some of my white acquaintances—never friends—who told me I was suffering from what they called separation anxiety, and that in order to grow up and become fully myself, I should move far away. I didn’t really understand this, because I have a life of my own (as does she), and because the arrangement—at the time we lived probably five miles apart— works well for both of us on both practical and emotional levels, and because I knew that for all of human existence—save the last hundred years—it was expected that elders would live with or near one or more of their children. It’s been a sudden shift. It struck me as significant that none of my indigenous or third world friends have ever found the arrangement anything but expected. In fact, when I’d tell my white acquaintances that part of the reason we can live so close is that I’m very clear about saying no to the things I don’t want to do for her—for example, I dislike going to the grocery store so I don’t usually take her—they’d nod and tell me what good boundaries I have. When I’ve told my indigenous or third world friends this same thing, they’ve looked at me, pained and disgusted, then asked, “With her vision problems, how does she get to the grocery store?”

Catherine continued, “There are many problems with the belief that separation prepares the way for self-hood, not the least of which is that it doesn’t match reality. We know that on a physical level one is not ‘on one’s own,’ that we have to breathe and eat and excrete, and that even on a molecular scale our boundaries are permeable. The same is true psychically. Life feeds off life, Whitehead says, and if we cut ourselves off from the way we psychically feed each other, the texture of our lives becomes very thin and flat. When we live in a state of defense, there is no moment-to-moment feeding from the richness of the endless relations in which we exist.

“For the system of dominance to perpetuate itself there must be clear rewards for those who manage to maintain a state of disconnection. People must be trained and initiated into that state, and they must be rewarded with a sense of dignity, indeed of manhood, if they are able to maintain a sense of self-control—as opposed to being present to their experience—and a sense of control over their surroundings, which would include as many people as possible.

“When you have a society organized so those at the top benefit from the labor of the majority, you have some strong incentives to develop the kind of selfhood that gets you there. The only kind of selfhood that gets you there is the kind of selfhood that allows you to numb your empathies. To maintain the system of dominance, it’s crucial that the elite learns this empathic numbness, akin to what Robert Jay Lifton calls ‘psychic numbing,’ so its members can control and when necessary torture and kill without being undone. If its members are incapable of numbing, or if they have not been trained properly, the system of domination will collapse.”

That’s one of the reasons, she said, that civilization so often co-opts movements opposing domination. “Society as we know it may well need,” she continued, “to live off of the energy of alternative movements. It needs to suck our blood in order to feed itself, in part because a system of domination will always be undernourished.”

“How so?”

“Once we unplug from our vital connections—connections more like the fiber of what we call nature where there aren’t barriers between the relationships of things to each other—once we unplug from the way everything branches into everything, and instead pursue the goals of civilization as we know it, the energy source has to come from somewhere else. To some extent it can come from sucking the labor of the poor, and to some extent it can come from exploiting the bodies of animals and people treated like animals. The exploiting of the bodies of women gives a lot of energy. But the parasitism of the dominant culture is endless, because once you cut yourself off from the free flow of mutually permeable life you have to get your life back somehow, artificially.”

I came back to the conversation with my mom, and heard her say, “That was part of your father’s problem. He had no solid identity of his own, which was one reason he was so violent. Because he wasn’t secure in his own identity, in order to exist, he needed for those around him to constantly mirror him. When you or I or your siblings didn’t match his projections—when we showed any spark of being who we actually were, thus forcing him to confront some other person as someone different than himself—he became terrified, or at least he would have become terrified if he would have allowed himself to feel that. But to become terrified was too scary, and so he flew into a rage.”

I just looked at her. I’d never heard this analysis before. It was very good. I was thinking also that if my publisher were present he would probably be tearing his hair out at her penchant for making parenthetical comments, just as he does with mine.

She continued, “His lack of a secure identity is also why he was so rigid. If you’re not comfortable with who you are, you have to force others to confront you only on your own terms. Anything else is once again too scary. If you’re comfortable with who you are, however, it becomes no problem to let others be their own selves around you: you have faith that whoever they are and whatever they do, you will be able to respond appropriately. You can be fluid and respond differently to different people, depending on what they need from you. He couldn’t do that.”

This same thing happens on a larger scale, of course. Deadened inside, we call the world itself dead, then surround ourselves with the bodies of those we’ve killed. We set up cityscapes where we see no free and wild beings. We see concrete, steel, asphalt. Even the trees in cities are in cages. Everything mirrors our own confinement. Everything mirrors our own internal deadness.

“One more thing,” my mother said. “This lack of an identity is one of the reasons so many abusers kill their partners when their partners try to leave. They’re not only losing their partners (and punching bags) but their identities as well.”

That’s also one of the reasons this culture must kill all non-civilized peoples, both human and nonhuman: in order to preclude the possibility of our escape.

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