Et si ça casse? – par Charles Hugh Smith.

J’aimerais vraiment vous donner de bonnes nouvelles. Si mes articles vous dépriment, imaginez que j’en lis cinquante de la même eau pour en publier un seul. Il y a encore du doom and gloom dans l’air, notamment à propos de notre vieille amie la protéine de pointe, et c’est encore mille fois pire que tout ce qu’on pouvait imaginer. Chouette époque.

On va commencer par parler systèmes, notamment économiques, de leur corruption et de leur fragilité. Voici un récent article de Charles Hugh Smith, auteur déjà publié sur ce blog. Il y en a un autre du même en préparation, plus un autre de Elliott Freed – sur l’effondrement système, pas uniquement économique – et j’avais promis un petit mot d’encouragement de Miles Mathis, qui pense qu’on peut toujours s’en sortir. Et puis j’ai deux ou trois articles à écrire moi-même. Après tout ça, sauf erreur ou omission de ma part, je tente de boucler (avec seulement un an de retard) le sous-titrage de la conférence de Nikki Florio.

Enfin bref, tout va se vautrer, c’est le printemps, profitez de la vie et du soleil. Ça soigne.

Source.


Et si ça casse?

Charles Hugh Smith

7 mars 2022

Très peu de gens se demandent: et si ça casse? Voilà une question que l’on peut poser à propos de beaucoup de choses: écrans tactiles, cartes mères, outils, véhicules, chaînes d’approvisionnement et systèmes entiers: et si ça casse?

La première chose qu’on remarquera, c’est la quantité de choses qui ne peuvent pas être réparées, juste être remplacées. Bonne chance pour réparer l’écran tactile ou la carte mère de votre véhicule. Oups, la crevaison de votre pneu se situe dans le flanc, aucune réparation possible, achetez un nouveau pneu.

L’ensemble du système économique suppose deux choses: 1) il y aura toujours des rechanges pour tout ce qui ne peut pas être réparé et 2) il y aura toujours des substituts pour tout ce dont nous avons besoin. Le bœuf est trop cher? Alors achetez de la fausse viande. Si elle est trop chère, remplacez-la par du poulet. Et ainsi de suite: il y aura toujours un substitut qu’on pourra développer à l’échelle mondiale et dont le prix diminuera à mesure qu’il se développera.

Malheureusement, ces deux hypothèses sont fausses. Il n’existe aucun substitut au pétrole et aux engrais. Tout ce qu’on a, ce sont des « si« : si on construit 1.000 réacteurs nucléaires, on pourra convertir cette électricité en hydrogène, qui sera le carburant de l’avenir. Et ainsi de suite. Si, si, si. C’est bien, mais ce n’est pas évident de dépasser le stade du « si »: oups, on a besoin d’hydrocarbures pour construire les 1.000 réacteurs nucléaires et tous les équipements complexes nécessaires à la conversion de l’eau de mer en hydrogène à une échelle significative.

Non seulement il y a un tas de choses pour lesquelles il n’existe aucun substitut, mais pour lesquelles il n’y a pas non plus de pièces de rechange. C’est bien dommage que tout votre système de maison intelligente soit tombé en panne. Le vendeur du gadget connecté à votre hub a fait faillite et il n’y a donc pas de pièces de rechange ni de mises à jour logicielles. Il semble bien que vous deviez remplacer l’ensemble du système. Mais comme le logiciel était de toute façon obsolète, il était temps de le mettre à jour.

Le problème est qu’on ne peut pas remplacer des systèmes entiers une fois qu’ils tombent en panne. Le traitement des eaux usées, la livraison de nourriture, la fabrication de fournitures médicales et de médicaments, la livraison de matières premières pour la fabrication de plastiques – l’ensemble de l’économie mondiale est maintenant un système étroitement lié avec peu de rechanges […] et zéro substitut pour l’ensemble des choses qui comptent.

L’un des rares mouvements positifs de ces dernières années est le droit à la réparation. L’idée est de bannir la ruse préférée des entreprises pour envoyer rapidement votre vieux produit à la Décharge en scellant l’appareil pour le rendre impossible à ouvrir et en annulant la garantie si quelqu’un tente de réparer ce qui a été conçu pour être irréparable.

Le fondement de l’Economie de la Décharge est de fabriquer des produits qui ne peuvent pas être réparés et qui sont conçus pour tomber en panne pour vous obliger à en acheter un nouveau – et vite. Mais la réparation n’est pas assurée. Si votre véhicule a été fabriqué à des millions d’exemplaires, il sera possible de trouver des fournisseurs tiers pour les pièces. Mais le temps et le coût jouent contre la disponibilité des pièces de rechange. Il n’y a aucune garantie que les pièces de rechange resteront disponibles. Oui, certaines peuvent être extrudées dans des imprimantes 3D, mais il existe un grand nombre de choses qui ne peuvent pas être fabriquées sur des imprimantes 3D: fils spéciaux, puces informatiques, alliages, etc.

Passons maintenant aux systèmes à plus grande échelle: où sont les pièces de rechange lorsque la démocratie ne fonctionne plus? Qu’en est-il des systèmes qui acheminent le pétrole et les aliments frais sur des milliers de kilomètres?

La fiabilité de ces systèmes non réparables a créé une confiance infondée dans leur permanence et leur durabilité. Alors que de plus en plus de choses sont produites par des fournisseurs uniques, que les chaînes d’approvisionnement s’étendent et intègrent de nouveaux points de défaillance, que les chaînes de dépendance deviennent de plus en plus complexes, tous ces systèmes – politiques, technologiques, logistiques – deviennent plus fragiles – le contraire de durables.

La foi dans les pouvoirs infinis de la substitution, qui se résume à « acheter un nouveau produit », a privé l’économie de sa résilience et de sa capacité à trouver des solutions de rechange. Plus rien n’est réparable, par conséquent plus personne ne sait comment réparer quoi que ce soit. Tout est scellé, par conséquent plus personne ne sait même ce qui se trouve à l’intérieur du système. Puisque nous sommes assurés qu’il existe un substitut ou une rechange à tout, nous avons oublié comment les choses fonctionnent concrètement. Les personnes les plus compétentes et les plus brillantes n’ont jamais vu un haricot vert pousser sur une tige ou réfléchi à la manière dont toutes les marchandises qui font que leur « argent » est utile – dans le sens où cet « argent » peut acheter des choses – ont été fabriquées ou cultivées, nettoyées, emballées, expédiées et livrées.

Comme je l’explique dans mon livre Global Crisis, National Renewal: A (Revolutionary) Grand Strategy for the United States, les systèmes étroitement liés et les systèmes centralisés sont destinés à échouer. Truffez le système de chaînes de dépendance étranglées par des points de défaillance pour lesquels il n’existe aucune solution ni aucun substitut, puis étendez ces chaînes sur l’ensemble de la planète et vous obtenez un système optimisé pour la fragilité et la défaillance.

Et si ça casse? Quel est le plan B, la solution de rechange, la réparation? Que se passe-t-il si on ne peut pas acheter un nouveau système de livraison de nourriture en rayon, ou une nouvelle démocratie qu’il suffit de déballer et de brancher? Où sont les substituts abondants et bon marché pour tout ce qui est devenu chroniquement rare parce qu’il n’y a pas de substituts?

Faire de l’ensemble de l’économie une Economie de Décharge qui s’appuie sur un fantasme de rechanges et de substitutions infinis est le summum de l’orgueil et de la sottise, tout comme l’est le concept de la guerre comme solution pour réparer tout ce qui est cassé.


Texte original

What If It Breaks?

Charles Hugh Smith

March 07, 2022

Very few people ask: what if it breaks? It’s a question we can ask of a great many things: touchscreens, motherboards, tools, vehicles, supply chains and entire systems: what if it breaks?

The first thing we notice is the great number of things which can’t be repaired, they can only be replaced. Good luck repairing the touchscreen or motherboard in your vehicle. Oops, the puncture in your tire is in the sidewall, no repair possible, buy a new tire.

The entire economic system assumes two things: 1) there will always be replacements for everything that can’t be repaired and 2) there will always be substitutes for everything we want. Beef too expensive? Then buy fake-meat. If that’s too expensive, substitute chicken. And so on: there will always be a substitute that can scale globally that will get cheaper as it scales.

Unfortunately, both assumptions are false. There are no replacements for oil and fertilizers. What we have are ifs: if we build 1,000 nuclear reactors, then we can convert this electricity into hydrogen which will be the fuel of the future. And so on. If, if, if. Nice, but getting beyond if is non-trivial: oops, we need hydrocarbon energy to build the 1,000 nuclear reactors and all the complex equipment to convert seawater into hydrogen on a scale large enough to matter.

Not only are there no substitutes for many things, there are no replacement parts, either. Too bad about your entire Smart Home system going down. The vendor of the do-hickey that’s connected to your hub went out of business and so there’s no replacement parts or software upgrades. Looks like you’ll have to replace the entire system. But since the software was out of date anyway, it was time to upgrade anyway.

The problem is we can’t replace entire systems when they break down. Sewage treatment, delivery of food, manufacture of medical supplies and medications, delivery of feedstock for plastics manufacturing–the entire global economy is now a tightly bound system with few replacements for anything that matters and no substitutions for all the things that matter.

One of the few positive movements of the past few years is right to repair. The idea here is to outlaw corporation’s favorite trick to speed your old product’s pathway to the Landfill by sealing the device to make it impossible to open and voiding the warranty should anyone attempt to repair what was designed to be unrepairable.

The foundation of the Landfill Economy is to make stuff that can’t be repaired and is designed to fail so you have to buy a new one–and soon. But repair is not guaranteed. If you happen to own a vehicle which was manufactured in the millions, there will likely be third-party suppliers for parts. But time and cost both erode the availability of replacement parts. There is no guarantee replacement parts will be available. Yes, some can be extruded in 3D printers, but there are a great many things that can’t be fabbed on 3D printers: specialty wires, computer chips, alloys, etc.

Moving on to larger scale systems: where’s the replacement parts when democracy breaks? How about the systems that deliver oil and fresh food over thousands of miles?

The dependability of these unrepairable systems has given us a false confidence in their permanence and durability. As more things become sole-source, as supply chains stretch and add additional points of failure, as the dependency chains increase in complexity, all these systems–political, technological, logistics–become more fragile–the opposite of durable.

The « buy a new one » faith in the infinite powers of substitution has stripped the economy of resilience and the ability to fashion workarounds. Since things can no longer be repaired, nobody knows how to repair anything. Since everything is sealed, nobody even knows what’s inside the system. Since we’re assured everything can be substituted and replaced, we no longer know how anything actually works. The best and the brightest have never seen a green bean growing on the plant or considered how all the goodies that make their « money » useful– as in, there are things available for your « money » to buy–were fabricated or grown, cleaned, packaged, shipped and delivered.

As I explain in my book Global Crisis, National Renewal: A (Revolutionary) Grand Strategy for the United States, tightly bound systems and centralized systems are essentially designed to fail. Load the system with dependency chains choked with points of failure for which there are no fixes or substitutes and then stretch those chains across the globe and you get a system optimized for fragility and failure.

What if it breaks? What’s your Plan B, your workaround, your fix? What if you can’t buy a new food delivery system off the shelf, or a new democracy that all you have to do is unwrap and plug it in? Where are the cheap, abundant substitutions for everything that’s now chronically scarce because there are no substitutes?

Making your entire economy a Landfill Economy dependent on the fantasy of infinite replacements and substitutions is the height of hubris and folly, right up there with war is a solution that will fix everything that’s broken.

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