L’holocauste du contrôle démographique – par Robert Zubrin.

Comme promis, nous allons traiter de dépopulation, opération qui s’inscrit dans le cadre général du contrôle démographique, sujet sur lequel il y aurait beaucoup à dire. Cet article de 2012 en présente un bref historique et quelques faits majeurs, dont certains vous rappelleront peut-être quelque chose de récent. Attention, ça devient très gore vers la fin. Lisez mais soyez prévenus.

Nous nous tournerons ensuite vers Sasha, qui se penche sur une autre forme de meurtre légal. L’article est prêt mais j’attends un peu: il suffit que j’en publie deux le même jour pour que tout le monde zappe le premier.

Source.


L’holocauste du contrôle démographique

Robert Zubrin

Printemps 2012

Il existe un courant idéologique unique qui transcende un ensemble apparemment disparate de mouvements politiques et scientifiques modernes toxiques, qui vont du militarisme, de l’impérialisme, du racisme, de la xénophobie et de l’environnementalisme radical au socialisme, au nazisme et au communisme totalitaire. Cette idéologie est celle de l’antihumanisme: la croyance que la race humaine est une horde de vermines dont les aspirations et les appétits incontrôlés mettent en danger l’ordre naturel, et que des mesures tyranniques sont nécessaires pour contraindre l’humanité. Le prophète fondateur de l’antihumanisme moderne est Thomas Malthus (1766-1834), qui a jeté les bases pseudo-scientifiques de l’idée selon laquelle la reproduction humaine dépasse toujours les ressources disponibles. À partir de cette évaluation pessimiste et erronée de la capacité de l’ingéniosité humaine à développer de nouvelles ressources, Malthus a prôné des politiques oppressives qui ont conduit à la famine de millions de personnes en Inde et en Irlande.

Bien que l’argument de Malthus selon lequel la croissance démographique humaine conduit invariablement à la famine et à la pauvreté soit manifestement en contradiction avec les preuves historiques, qui montrent que le niveau de vie mondial augmente avec la croissance démographique, il a néanmoins persisté et a même pris de l’ampleur parmi les intellectuels et les dirigeants politiques au cours des XXe et XXIe siècles. Sa manifestation la plus pernicieuse au cours des dernières décennies a été la doctrine du contrôle démographique, défendue par l’écologiste Paul Ehrlich, dont l’ouvrage antihumaniste à succès de 1968, The Population Bomb (La bombe démographique), a servi de bible au néo-malthusianisme. Dans cet ouvrage, Ehrlich mettait en garde contre la surpopulation et préconisait que le gouvernement américain adopte des mesures strictes de contrôle démographique, tant au niveau national que pour les pays du Tiers-Monde bénéficiant de l’aide étrangère américaine. (Il convient de noter qu’Ehrlich est le mentor et le collaborateur fréquent de John Holdren, le conseiller scientifique du président Obama).

Cette pleine page de publicité d’un important groupe de contrôle démographique avertit que les populations du Tiers-Monde sont une menace pour la paix.
Avec l’aimable autorisation de la bibliothèque de l’université de Princeton

Jusqu’au milieu des années 1960, les programmes américains de contrôle démographique, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger, étaient largement financés et mis en œuvre par des organisations privées telles que le Population Council (Conseil Démographique) et Planned Parenthood (Planification Familiale), des groupes profondément enracinés dans le mouvement eugéniste. Bien qu’ils disposaient de millions de dollars fournis par les fondations Rockefeller, Ford et Milbank, entre autres, les ressources disponibles pour soutenir leur travail étaient bien maigres par rapport à leurs vastes ambitions. Cette situation changea radicalement au milieu des années 60, lorsque le Congrès américain, répondant à l’agitation des idéologues de la surpopulation, alloua enfin des fonds fédéraux pour financer des programmes de contrôle démographique, d’abord au niveau national, puis à l’étranger. Soudain, au lieu de simples millions, il y avait des centaines de millions et finalement des milliards de dollars disponibles pour financer des campagnes mondiales d’avortement de masse et de stérilisation forcée. Il en résulta une catastrophe humaine à l’échelle mondiale.

Parmi les premiers visés, on trouve la population du Tiers-Monde de l’Amérique elle-même: les Indiens d’Amérique. À partir de 1966, le Secrétaire d’État à l’intérieur, Stuart Udall, entreprit d’utiliser les nouveaux fonds Medicaid pour mettre en place des programmes de stérilisation dans les hôpitaux des Indian Health Services (IHS, Services de santé indiens) financés par le gouvernement fédéral. Comme le rapporte Angela Franks dans son livre de 2005 intitulé Margaret Sanger’s Eugenic Legacy (L’héritage eugénique de Margaret Sanger):

Ces stérilisations étaient souvent pratiquées sans consentement éclairé adéquat [NdT. si ça vous rappelle quelque chose]… Le médecin amérindien Constance Redbird Uri a estimé que jusqu’à un quart des femmes indiennes en âge de procréer avaient été stérilisées avant 1977; dans un hôpital de l’Oklahoma, un quart des femmes admises (quelle qu’en soit la raison) en sont sorties stérilisées… Elle a également recueilli des preuves que toutes les femmes de sang pur de la tribu Kaw en Oklahoma ont été stérilisées dans les années 1970…

Malheureusement, et étonnamment, les problèmes des Services de santé indiens semblent persister… récemment [au début des années 1990], dans le Dakota du Sud, les Services de santé indiens ont de nouveau été accusés de ne pas avoir respecté les procédures de consentement éclairé, cette fois pour le Norplant, et ont apparemment fait la promotion de ce contraceptif à longue durée d’action auprès de femmes amérindiennes qui ne devraient pas l’utiliser en raison de conditions médicales préexistantes contre-indiquant son utilisation. Le Native American Women’s Health Education Resource Center (Centre de ressources pour l’éducation à la santé des femmes amérindiennes) rapporte qu’une femme s’est récemment entendu dire par ses médecins qu’ils ne retireraient l’implant que si elle acceptait de subir une ligature des trompes. Les rêves génocidaires des bureaucrates projettent encore leur ombre sur le sol américain.

Des programmes comparables furent également mis en place dans des cliniques financées par l’U.S. Office of Economic Opportunity (Bureau des opportunités économiques) dans des quartiers à faibles revenus (à prédominance noire) aux États-Unis. Pendant ce temps, sur le territoire américain de Porto Rico, un programme de stérilisation de masse a été lancé par le Draper Fund/Population Crisis Committee (Comité de crise démographique) et mis en œuvre avec des fonds fédéraux du Ministère de la santé, de l’éducation et de la protection sociale dans les principaux hôpitaux de l’île ainsi que dans une multitude de cliniques plus petites. Selon le rapport d’une mission d’enquête médicale menée en 1975, cette action a permis de stériliser près d’un tiers des femmes portoricaines en âge de procréer.

Mieux vaut être mort que rouge

Toutefois, ce n’est pas à l’intérieur du pays mais à l’étranger que l’artillerie la plus lourde de l’assaut de contrôle démographique était dirigée. Pendant la guerre froide, tout, du programme Apollo au financement de l’enseignement public, pouvait être vendu au gouvernement fédéral si cela pouvait être justifié comme faisant partie de la lutte mondiale contre le communisme. En conséquence, des idéologues aux plus hauts niveaux de pouvoir et d’influence ont formulé une ligne de parti selon laquelle la population des nations pauvres du monde devait être réduite de manière drastique afin de diminuer le réservoir de recrutement potentiel disponible pour la cause communiste. Le président Lyndon Johnson se vit remettre une étude frauduleuse réalisée par un économiste de la RAND Corporation, qui utilisait des calculs truqués pour « prouver » que les enfants du Tiers-Monde avaient en fait une valeur économique négative. Ainsi, en autorisant la naissance d’un nombre excessif d’enfants, les gouvernements d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine aggravaient la pauvreté de leurs populations, tout en multipliant les masses de prolétaires en colère prêts à être menés contre l’Amérique par les organisateurs de la prochaine Révolution Mondiale.

Le président Johnson goba le baratin, y compris les calculs bidons. Deux mois plus tard, il déclarait aux Nations Unies que « cinq dollars investis dans le contrôle démographique valent cent dollars investis dans la croissance économique ». L’administration Johnson soutenant désormais le contrôle démographique, le Congrès adopta en 1966 le Foreign Assistance Act (loi sur l’aide à l’étranger), dont une disposition réservait les fonds de la US Agency for International Development (USAID, Agence américaine pour le développement international) aux programmes de contrôle démographique devant être mis en œuvre à l’étranger. La loi stipulait en outre que toute aide économique des États-Unis aux pays étrangers devait être subordonnée à la volonté de leurs gouvernements de coopérer avec le Département d’État pour la mise en place de telles initiatives sur leur propre territoire. En d’autres termes, les dirigeants du Tiers-Monde désireux de contribuer à la stérilisation de leurs sujets les plus pauvres recevraient des carottes. Pour ceux qui ne coopéreraient pas, il y aurait le bâton [NdT. cf. les nombreux décès de personnalités politiques africaines revêches aux injections Covid]. Compte tenu de la nature de la plupart des gouvernements du Tiers-Monde, une approche d’une aussi élégante simplicité garantissait pratiquement la réussite de l’opération. L’establishment du contrôle démographique était ravi.

Un Office of Population (Bureau Démographique) fut créé au sein de l’USAID, et le Dr Reimert Thorolf Ravenholt en fut le premier directeur en 1966. Il occupera ce poste jusqu’en 1979, l’utilisant pour créer un empire mondial d’organisations de contrôle démographique imbriquées les unes dans les autres, bénéficiant de budgets d’un milliard de dollars pour supprimer l’existence de personnes considérées comme indésirables par le Département d’État américain.

Dans son livre dévastateur de 2008, Population Control: Real Costs, Illusory Benefits (Contrôle démographique: coûts réels, bénéfices illusoires), l’auteur Steven Mosher fournit une description colorée de Ravenholt:

Qui était le Dr Ravenholt? Épidémiologiste de formation, il considérait apparemment la grossesse comme une maladie, à éradiquer de la même manière que l’on élimine la variole ou la fièvre jaune. Il était aussi, en l’occurrence, un misanthrope belliqueux.

Il assuma son travail de contraception, de stérilisation et d’avortement des femmes du monde entier avec une agressivité qui fit reculer ses jeunes collègues, dégoûtés. Ses cartes de visite étaient imprimées sur des préservatifs, qu’il se faisait un plaisir de distribuer à tout venant. Il ne cessait de parler de la manière de distribuer de plus grandes quantités de pilules contraceptives et de veiller à ce qu’elles soient utilisées. Il préconisait des campagnes de stérilisation de masse, déclarant un jour au St. Louis Post-Dispatch qu’un quart de toutes les femmes fertiles du monde devaient être stérilisées afin d’atteindre les objectifs américains de contrôle démographique et de maintenir « le fonctionnement normal des intérêts commerciaux des États-Unis dans le monde entier ». Ces mesures rigoureuses étaient nécessaires, expliquait Ravenholt, pour contenir « l’explosion démographique » qui, si elle n’était pas maîtrisée, réduirait tellement le niveau de vie à l’étranger que des révolutions éclateraient « contre la forte présence commerciale américaine »…

Ce n’était pas un personnage très charmant. Pour commémorer le bicentenaire des États-Unis en 1976, il eut l’idée de produire des préservatifs « stars and stripes » aux couleurs rouge, blanc et bleu pour les distribuer dans le monde entier… Une autre fois, lors d’un dîner réunissant des chercheurs en démographie, Ravenholt se promena dans la salle en faisant des mouvements de pompage avec son poing pour donner l’impression qu’il utilisait un aspirateur manuel – une pompe à vide tenue à la main pour pratiquer des avortements – à la grande horreur des autres invités.

Le point de vue de Ravenholt sur les personnes non blanches est assez bien exprimé dans un commentaire qu’il a fait en 2000 à propos de l’esclavage: « Les Noirs américains devraient remercier leur bonne étoile que l’institution de l’esclavage ait existé dans les siècles précédents; sinon, ces Noirs américains n’existeraient pas: leurs ancêtres auraient été tués par leurs ennemis noirs, au lieu d’être vendus comme esclaves. »

Comme méthode d’opération, Ravenholt adopta la pratique de distribuer ses fonds de manière agressive à la International Planned Parenthood Federation (Fédération Internationale de Planning Familial), au Population Council et à de nombreuses autres organisations privées du mouvement de contrôle démographique, leur permettant de mettre en œuvre des campagnes de stérilisation et d’avortement de masse dans le monde entier sans interférence réglementaire du gouvernement américain, et permettant à leurs budgets de gonfler – d’abord dix fois, puis cent fois, puis encore plus. Cela ravit les dirigeants et le personnel de l’establishment du contrôle démographique, qui purent adopter un style de vie luxueux, séjournant dans les meilleurs hôtels, mangeant les meilleurs plats et voyageant en première classe à travers le monde pour mettre en place des programmes d’élimination des pauvres.

Ravenholt n’hésitait pas non plus à acheter d’énormes quantités de médicaments contraceptifs et de dispositifs intra-utérins (DIU) non éprouvés, non approuvés, défectueux ou interdits, et à les distribuer pour leur utilisation par ses sous-traitants du mouvement de contrôle démographique sur des millions de femmes du tiers-monde qui ne se doutaient de rien, et dont beaucoup ont souffert ou sont mortes en conséquence. Parmi ces produits figuraient des médicaments et des dispositifs dont l’utilisation avait été déclarée dangereuse par la FDA en Amérique et qui avaient fait l’objet de procès fructueux aux États-Unis en raison de leurs effets néfastes. Ces pratiques ravirent les fabricants de ces équipements.

S’étant ainsi assuré le soutien inconditionnel de l’establishment du contrôle démographique et de plusieurs grandes sociétés pharmaceutiques, Ravenholt fut en mesure de faire pression sur le Congrès pour obtenir des crédits toujours plus importants afin de poursuivre l’expansion de son empire grandissant.

Son succès fut remarquable. Avant que Ravenholt ne prenne les rênes, les dépenses de l’USAID pour le contrôle des populations représentaient moins de 3 % de ce que l’agence dépensait pour les programmes de santé dans les pays du Tiers-Monde. En 1968, Ravenholt disposait d’un budget de 36 millions de dollars, contre 130 millions de dollars pour les programmes de santé de l’USAID. En 1972, le financement du contrôle démographique par Ravenholt était passé à 120 millions de dollars par an, avec des fonds prélevés directement sur le budget de l’USAID consacré à la prévention des maladies et à d’autres initiatives de soins de santé, qui fut en conséquence ramené à 38 millions de dollars. En cinq ans à peine, le programme américain d’aide extérieure non militaire était passé d’une mission de miséricorde à une agence d’élimination humaine.

En 1968, Robert McNamara, fervent partisan du contrôle démographique, démissionna de son poste de Secrétaire à la Défense pour prendre la présidence de la Banque Mondiale. De cette position, il fut en mesure de dicter une nouvelle politique, subordonnant les prêts de la Banque Mondiale aux pays du Tiers-Monde à la soumission de leurs gouvernements au contrôle démographique, avec des quotas annuels de stérilisation fixés par les experts de la Banque Mondiale. A court d’argent et lourdement endettés, de nombreux pays pauvres éprouvèrent de grandes difficultés à résister à cette pression. Cela renforça considérablement la position de Ravenholt.

La destruction du village

Dès son entrée en fonction en janvier 1969, la nouvelle administration Nixon chercha à faire avancer le programme de contrôle démographique. Répondant au lobbying du général William H. Draper, Jr, ancien sous-secrétaire d’État à l’armée et grand alarmiste de la surpopulation, Nixon autorisa le gouvernement américain à soutenir la création du U.N. Fund for Population Activities (Fonds des Nations unies pour les activités en matière de population – UNFPA). Par le biais de cette organisation, de vastes fonds américains supplémentaires allaient être déversés dans l’entreprise mondiale de contrôle démographique, leur source étant camouflée afin de faciliter leur acceptation par les gouvernements dont les dirigeants devaient maintenir une posture populiste en opposition à l' »impérialisme yankee ». Bien que les États-Unis fussent son principal bailleur de fonds, l’UNFPA servit également à acheminer d’importants fonds supplémentaires de contrôle démographique en provenance des pays européens, du Canada et du Japon, qui représentaient collectivement environ la moitié de l’effort américain.

Allant encore plus loin, le président Nixon créa en 1970 la Commission on Population Growth and the American Future (Commission sur la croissance démographique et l’avenir de l’Amérique), présidée par John D. Rockefeller III, partisan de longue date du contrôle démographique. Dans son rapport de 1972, Rockefeller évoquait, comme on pouvait s’y attendre, la menace de la croissance démographique américaine et appelait à un large éventail de mesures de contrôle démographique pour éviter le danger supposé d’une multiplication incontrôlée des populations dépendantes de l’aide sociale, des criminels ou d’autres populations financièrement lourdes. Comme on pouvait s’y attendre aussi, le rapport donna lieu à des dizaines de titres de journaux et d’articles de fond dans les magazines, qui contribuèrent à consolider le consensus sur le contrôle démographique. Le rejet politique par Nixon de l’une des recommandations de la commission – l’avortement sur demande financé par le gouvernement – ne fit que renforcer l’image « progressiste » de la commission malthusienne de Rockefeller.

Mais le principal intérêt de Nixon pour le contrôle démographique était sa valeur supposée en tant qu’arme de guerre froide. Le président confia à Henry Kissinger, son Conseiller à la Sécurité Nationale et Secrétaire d’Etat, le soin de mener une étude secrète sur le rôle des mesures de contrôle démographique dans la lutte contre le communisme mondial. Kissinger réunit un groupe d’experts issus du National Security Council (NSC, Conseil national de sécurité), de la Central Intelligence Agency (CIA, Agence centrale de renseignement), du Ministère de la Défense, du Ministère des Affaires étrangères, de l’USAID et d’autres agences afin d’étudier la question. Le résultat fut publié le 10 décembre 1974 sous la forme d’un document classifié du NSC intitulé « Implications of Worldwide Population Growth for U.S. Security and Overseas Interests » (Implications de la croissance démographique mondiale pour la sécurité des États-Unis et leurs intérêts à l’étranger). Ce document – connu sous le nom de National Security Study Memorandum 200 (NSSM 200), ou simplement de rapport Kissinger – constituait le codage du dogme malthusien en tant que doctrine stratégique des États-Unis.

Le NSSM 200 a été déclassifié en 1989 et peut donc aujourd’hui être examiné. En examinant le document, on constate l’état d’esprit nietzschéen de ses auteurs, qui (embrassant implicitement la ligne communiste) considéraient clairement les masses naissantes du monde comme des ennemis probables de l’Amérique, plutôt que comme ses amis, et comme des obstacles potentiels à l’exploitation des richesses du monde, plutôt que comme des clients, des travailleurs et des partenaires commerciaux participant avec l’Amérique à un grand effort collectif pour faire croître et progresser l’économie mondiale. Le mémo plaide en faveur d’un effort de contrôle démographique à l’échelle mondiale, sans qu’il soit possible de remonter jusqu’à ses riches partisans.

Le 26 novembre 1975, le NSSM 200 fut officiellement adopté par l’administration Ford. Un mémo de suivi publié en 1976 par le NSC demandait aux États-Unis d’utiliser le contrôle des approvisionnements alimentaires pour imposer un contrôle démographique à l’échelle mondiale. Il soulignait en outre l’intérêt de recourir au pouvoir dictatorial et à la force militaire pour contraindre les peuples du Tiers-Monde à se soumettre aux mesures de contrôle démographique, ajoutant: « Dans certains cas, une orientation forte a impliqué des incitations telles que la rémunération des personnes acceptant la stérilisation, ou des mesures dissuasives telles que l’octroi d’une faible priorité dans l’attribution des logements ou des écoles aux personnes ayant une famille nombreuse. Une telle orientation est la condition sine qua non d’un programme efficace ».

Sans la moindre justification, mais avec une organisation impeccable, un financement généreux, une direction agressive et le soutien d’une phalange d’opinions respectables, le mouvement de contrôle démographique était désormais inscrit dans la doctrine comme représentant l’intérêt stratégique central de la première superpuissance mondiale. Il était désormais en mesure de faire des ravages à l’échelle mondiale.

Les caractéristiques des programmes de contrôle démographique

Sur les milliards de dollars du contribuable que le gouvernement américain a dépensés pour le contrôle démographique à l’étranger, une partie a été directement dépensée par l’USAID pour ses propres activités sur le terrain, mais la majorité a été blanchie par l’intermédiaire d’une variété d’agences internationales. En raison de ce système de financement indirect, toutes les tentatives visant à contraindre l’empire du contrôle démographique à conformer ses activités aux normes médicales, éthiques, de sécurité ou de respect des droits de l’homme acceptées se sont révélées futiles. Au contraire, au mépris des lois adoptées par le Congrès pour tenter de corriger la situation, ce qui a été et continue d’être perpétré aux frais de l’État est une atrocité d’une ampleur si vaste et si variée qu’elle défie presque toute description. Néanmoins, il vaut la peine d’essayer de donner aux lecteurs une idée du crime qui est commis avec leur argent. Avant de décrire quelques études de cas, examinons les principales caractéristiques manifestées par la quasi-totalité des campagnes.

Tout d’abord, il s’agit d’une dictature du haut vers le bas. En défendant leur action auprès des Américains, l’USAID et ses bénéficiaires affirment qu’ils offrent aux femmes du Tiers-Monde un « choix » en matière d’accouchement. Il n’y a rien de vrai dans cette affirmation. Comme l’a souligné Betsy Hartmann, une féministe libérale qui critique ces programmes, dans son livre Reproductive Rights and Wrongs (Droits et torts en matière de reproduction) publié en 1995, « le droit d’une femme à choisir » doit nécessairement inclure la possibilité d’avoir des enfants – précisément ce que les campagnes de contrôle démographique lui refusent. Plutôt que d’offrir un « choix » aux individus, l’objectif de ces campagnes est de priver des populations entières de leur capacité à se reproduire. Pour ce faire, les gouvernements nationaux, eux-mêmes soumis à la pression de l’USAID ou de la Banque Mondiale, fixent des quotas de stérilisation, de pose de stérilets ou d’autres procédures similaires qui doivent être imposées à la population concernée par leur propre fonction publique. Les fonctionnaires qui atteignent ou dépassent leurs quotas d' »acceptants » sont récompensés; ceux qui ne le font pas sont sanctionnés.

Deuxièmement, ces programmes sont malhonnêtes. Les fonctionnaires employés dans le cadre des programmes de contrôle démographique ont pour habitude de mentir à leurs cibles potentielles sur les conséquences des opérations qui seront effectuées sur elles. Par exemple, les paysans du Tiers-Monde s’entendent souvent dire par le personnel gouvernemental chargé du contrôle démographique que les opérations de stérilisation sont réversibles, alors qu’elles ne le sont pas.

Troisièmement, ces programmes sont coercitifs. Les programmes de contrôle démographique prévoient régulièrement des « incitations » et/ou des « mesures dissuasives » pour contraindre les « acceptants » à accepter leur « assistance ». Parmi les « incitations » fréquemment utilisées, on trouve la fourniture ou le refus d’une aide financière ou alimentaire aux personnes affamées ou à leurs enfants. Parmi les « mesures dissuasives » employées figurent le harcèlement personnel, le licenciement, la destruction des maisons et le refus de scolarisation, de logement public ou d’assistance médicale aux récalcitrants.

Quatrièmement, ces programmes sont médicalement irresponsables et négligents. Ils utilisent régulièrement des équipements défectueux, non éprouvés, dangereux, expérimentaux ou non approuvés, y compris des équipements dont l’utilisation a été purement et simplement interdite aux États-Unis. Ils emploient également un grand nombre de personnes insuffisamment formées pour effectuer des opérations susceptibles de mettre des vies en danger, ou pour maintenir le matériel médical dans un état supposé stérile ou autrement sûr. En conséquence, des millions de personnes soumises aux interventions de ces opérations de contrôle démographique menées de manière irresponsable ont été tuées. C’est particulièrement vrai en Afrique, où la réutilisation abusive d’aiguilles hypodermiques sans stérilisation dans les cliniques de contrôle démographique a contribué à la propagation rapide de maladies infectieuses mortelles, dont le SIDA.

Cinquièmement, ces programmes sont cruels, insensibles et portent atteinte à la dignité humaine et aux droits de l’homme. Une pratique fréquente est la stérilisation des femmes à leur insu ou sans leur consentement, généralement lorsqu’elles sont affaiblies à la suite d’un accouchement. Cela équivaut à un viol organisé par le gouvernement. Les avortements forcés sont également fréquents. Ces violations des droits de l’homme, ainsi que d’autres, dans le cadre de la campagne de contrôle démographique ont été largement documentées, les populations concernées ayant été victimes en Australie, au Bangladesh, en Chine, au Guatemala, en Haïti, au Honduras, en Inde, en Indonésie, au Kenya, au Kosovo, en Afrique du Sud, au Sri Lanka, en Thaïlande, au Tibet, aux États-Unis, au Venezuela et au Viêt Nam.

Sixièmement, ces programmes sont racistes. Tout comme le programme mondial de contrôle démographique représente une tentative des gouvernements (dirigés par des Blancs) des États-Unis et des anciennes puissances impériales d’Europe de réduire les populations non blanches dans le Tiers-Monde, dans chaque nation ciblée, le groupe dirigeant local a généralement utilisé le programme de contrôle démographique pour tenter d’éliminer les personnes qu’il méprise. En Inde, par exemple, les hindous de la caste supérieure au pouvoir ont concentré leurs efforts de contrôle démographique sur l’élimination des intouchables de la caste inférieure et des musulmans. Au Sri Lanka, les Cinghalais au pouvoir ont pris pour cible les Tamouls hindous en vue de leur extermination. Au Pérou, les descendants hispanophones des conquistadors ont orienté le programme de contrôle démographique du pays vers l’objectif d’endiguer la reproduction des indigènes non hispaniques de couleur sombre. Au Kosovo, les Serbes ont utilisé le contrôle démographique contre les Albanais, tandis qu’au Viêt Nam, le gouvernement communiste a ciblé l’effort de contrôle démographique contre la minorité ethnique des Hmongs, anciens alliés de guerre de l’Amérique. En Chine, les minorités tibétaines et ouïgoures sont devenues des cibles privilégiées de l’effort de contrôle démographique du gouvernement, des multitudes de ces dernières ayant été rassemblées pour subir des avortements et des stérilisations forcés. En Afrique du Sud, sous le régime de l’apartheid, l’objectif du programme gouvernemental de contrôle démographique allait de soi. Dans divers États d’Afrique noire, la tribu qui tient les rênes du pouvoir oriente régulièrement la campagne démographique vers l’élimination de ses rivaux tribaux traditionnels. Il n’y a rien de surprenant à cela. Le malthusianisme a toujours été étroitement lié au racisme, car le désir de contrôler la population repose sur la haine des autres.

Le programme de contrôle démographique a été mis en œuvre dans plus d’une centaine de pays. Bien qu’il ne soit pas possible de fournir ici des comptes rendus détaillés des efforts déployés dans chacun d’entre eux, examinons à présent trois des cas les plus importants et les plus flagrants.

Inde

Depuis l’époque de Malthus, l’Inde a toujours été une cible privilégiée pour les contrôleurs de population en puissance. Les administrateurs coloniaux britanniques et les brahmanes de haute caste qui leur ont succédé au pouvoir après l’indépendance en 1947 considéraient les « masses grouillantes » des classes inférieures de la nation avec crainte et dédain. Le Parti du Congrès de Jawaharlal Nehru (qui a contrôlé le gouvernement national de l’Inde pendant les trois premières décennies sans interruption) avait été fortement influencé par les contacts qu’il avait eus, avant l’indépendance, avec la Fabian Society britannique pro-malthusienne. Des membres notables de l’élite indienne, comme l’influente et redoutable Lady Rama Rau, avaient été attirés par les idées de l’eugéniste Margaret Sanger, fondatrice de Planned Parenthood. Ainsi, dans les années 1950 et au début des années 1960, le gouvernement indien autorisa des organisations telles que le Population Council, la Fondation Ford et la Fédération internationale pour le planning familial à s’installer à l’intérieur des frontières du pays, où elles purent s’employer à réduire la reproduction des Dalits, ou « intouchables », de la nation. Le gouvernement n’a toutefois pas alloué de fonds publics à ces organisations, de sorte que leurs programmes sont restés relativement modestes.

Camp de stérilisation de masse en Inde
© Nick Rain

Les choses changèrent radicalement en 1965, lorsque la guerre avec le Pakistan déstabilisa l’économie du pays, provoquant de mauvaises récoltes et des pertes de revenus. Lorsque le Premier ministre Indira Gandhi – la fille de Nehru – prend ses fonctions en janvier 1966, l’Inde manque de vingt millions de tonnes de céréales et n’a pas les moyens d’acheter des stocks de remplacement sur le marché mondial. Elle n’eut d’autre choix que de se rendre aux États-Unis, chapeau bas, pour quémander une aide alimentaire.

Les États-Unis auraient pu demander beaucoup de choses en retour à l’Inde, comme le soutien du camp occidental dans la guerre froide (l’Inde n’était pas alignée), et en particulier l’effort de guerre dans le Viêt Nam voisin, qui s’intensifiait rapidement. L’un des collaborateurs du président Lyndon Johnson, Joseph Califano, suggéra dans une note au président que les États-Unis s’engagent rapidement à fournir une aide alimentaire afin de s’assurer d’une telle inclinaison pro-américaine. En réponse, il reçut un appel de Johnson l’après-midi même. Le président s’emporta: « Vous avez perdu la tête, bordel ? » Il déclara en termes très clairs qu’il n’allait pas « gaspiller l’aide étrangère dans des pays qui refusent de s’occuper de leurs propres problèmes démographiques ».

Indira Gandhi arriva à Washington fin mars et rencontra d’abord le secrétaire d’État Dean Rusk, qui lui remit un mémo exigeant « un effort massif pour contrôler la croissance démographique » comme condition à l’aide alimentaire. Puis, le 28 mars 1966, elle rencontra le président en privé. Il n’existe aucune trace de leur conversation, mais il est évident qu’elle capitula complètement. Deux jours plus tard, le président Johnson envoya un message au Congrès demandant une aide alimentaire pour l’Inde, notant avec approbation: « Le gouvernement indien estime qu’il ne peut y avoir de solution efficace au problème alimentaire de l’Inde sans contrôle démographique. »

Conformément à l’accord, des quotas de stérilisation et de pose de stérilets furent fixés pour chaque État indien, puis, au sein de chaque État, pour chaque district administratif local. Chaque hôpital du pays vit une grande partie de ses installations réquisitionnées pour des activités de stérilisation et de pose de stérilets. (Les stérilets, fournis au gouvernement indien par le Population Council, n’étaient pas stériles. Dans la province de Maharashtra, 58% des femmes interrogées qui les avaient reçus ressentirent des douleurs, 24% des douleurs intenses et 43% des saignements intenses et excessifs). Les hôpitaux n’ayant pas la capacité de respecter les quotas, des centaines de camps de stérilisation furent mis en place dans les zones rurales, gérés par du personnel paramédical ayant reçu une formation d’à peine deux jours. Des quotas minimums furent fixés pour les médecins des camps, salariés de l’État : ils devaient pratiquer 150 vasectomies ou 300 poses de stérilet par mois chacun, sous peine de se voir retirer leur salaire. Des praticiens privés furent également recrutés pour prêter main-forte, avec une rémunération à la pièce: 10 roupies par vasectomie et 5 roupies par pose de stérilet.

Afin d’acquérir des sujets pour ces interventions, le gouvernement indien versa à chaque province 11 roupies par pose de stérilet, 30 par vasectomie et 40 par tubectomie. Ces fonds pouvaient être divisés en fonction du programme de contrôle démographique de chaque gouvernement provincial, une partie allant au personnel du programme, une autre étant dépensée sous forme de commission pour les « motivateurs » freelance, une autre étant versée sous forme d’incitations aux « acceptants », et une autre encore étant affectée à d’autres usages gouvernementaux ou privés par les administrateurs. Les incitations typiques pour les sujets allaient de 3 à 7 roupies pour la pose d’un stérilet et de 12 à 25 roupies pour une stérilisation. Ces sommes peuvent sembler dérisoires – une roupie de 1966 équivaut aujourd’hui à 65 cents – mais à l’époque, 2 à 3 roupies représentaient le salaire journalier d’un ouvrier indien.

Lorsque ces sommes dérisoires ne suffisaient pas à inciter suffisamment de sujets à respecter les quotas, certains États adoptèrent des « mesures incitatives » supplémentaires: Le Madhya Pradesh, par exemple, priva d’eau d’irrigation les villages qui n’atteignaient pas leurs quotas. Face à la famine, des millions de personnes appauvries n’eurent d’autre choix que de se soumettre à la stérilisation. Les formes de coercition employées étant les plus efficaces sur les plus pauvres, le système offrait également un avantage eugénique en éliminant de préférence les intouchables.

Les résultats furent impressionnants. En 1961, le nombre total de stérilisations (vasectomies et tubectomies confondues) effectuées en Inde s’élevait à 105 000. En 1966-67, le total annuel grimpa à 887 000, puis à plus de 1,8 million en 1967-68. Il ne fait aucun doute que LBJ était fier.

Mais bien qu’elle ait ruiné la vie de millions de personnes, la forte augmentation des chiffres de la stérilisation eut peu d’impact sur la trajectoire globale de la croissance démographique de l’Inde. En 1968, Paul Ehrlich écrivait dans « La Bombe Démographique »: « Je n’ai encore rencontré personne de familier de la situation qui pense que l’Inde sera autosuffisante en nourriture d’ici 1971, voire jamais », justifiant ainsi son appel explicitement antihumain selon lequel « nous devons laisser [l’Inde] s’enfoncer dans le gouffre ». Comme pour tant d’autres choses, Ehrlich avait tort; l’Inde parvint effectivement à l’autosuffisance alimentaire en 1971 – non pas grâce au contrôle démographique, mais grâce aux techniques agricoles améliorées de la Révolution Verte. Cela n’avait pas d’importance. Les détenteurs des cordons de la bourse de l’USAID exigèrent des quotas encore plus élevés. Ils les obtinrent. En 1972-1973, le nombre de stérilisations en Inde atteignait trois millions par an.

Puis, à l’automne 1973, l’OPEP lança son embargo pétrolier, quintuplant les prix du pétrole pratiquement du jour au lendemain. Pour les pays riches comme les États-Unis, le choc financier qui en résulta fut sévère. Pour les pays pauvres comme l’Inde, il fut dévastateur. En 1975, la situation en Inde était devenue si grave que le Premier ministre Gandhi déclara l’état d’urgence national et assuma un pouvoir dictatorial. Poussée une fois de plus au désespoir, l’Inde se retrouvait à la merci de la Banque Mondiale, dirigée par l’archi-malthusien Robert S. McNamara. McNamara le dit clairement: si l’Inde souhaitait obtenir davantage de prêts, Gandhi devait utiliser ses pouvoirs pour traiter de manière plus définitive le supposé problème de population de l’Inde. Elle accepta. Au lieu d’incitations, la force serait désormais utilisée pour obtenir le respect de la loi. « Certains droits personnels doivent être mis en suspens », déclara-t-elle, « au nom des droits de l’homme de la nation, du droit à la vie, du droit au progrès ».

Gandhi confia à son fils Sanjay la responsabilité personnelle de la nouvelle offensive démographique. Il s’attela à la tâche avec ardeur. La coercition ouverte devint la règle : la stérilisation était une condition à l’attribution de terres, d’eau, d’électricité, de cartes de rationnement, de soins médicaux, d’augmentations de salaire et de permis de conduire des pousse-pousse. Des quotas furent attribués aux policiers pour qu’ils épinglent les personnes à stériliser. Des escouades de démolition furent envoyées dans les bidonvilles pour raser les maisons – parfois des quartiers entiers – afin que des pelotons de police armés puissent emmener leurs occupants épuisés dans des camps de stérilisation forcée. Rien qu’à Delhi, 700 000 personnes furent chassées de chez elles. Beaucoup de ceux qui échappèrent à la rafle immédiate se virent refuser un nouveau logement jusqu’à ce qu’ils acceptent la stérilisation.

Ces attaques suscitèrent une résistance, et des milliers de personnes furent tuées dans des batailles avec la police, qui utilisait des balles réelles pour faire face aux manifestants. Lorsqu’il apparut que des villages musulmans étaient également visés de manière sélective, le niveau de violence s’accrut encore. Le village de Pipli ne se soumit que lorsque les représentants du gouvernement menacèrent les habitants de bombardements aériens. Comme l’expliqua le directeur du planning familial du Maharashtra: « Il faut voir cela comme une guerre… Qu’on le veuille ou non, il y aura quelques morts ».

Les mesures atteignirent leur but. En 1976, huit millions d’Indiens furent stérilisés. Loin d’être consternés par la violation massive des droits de l’homme commise dans le cadre de cette campagne, les sponsors étrangers exprimèrent leur soutien inconditionnel. La Suède augmenta de 17 millions de dollars son financement pour le contrôle démographique indien. Reimert Ravenholt ordonna l’envoi en Inde de 64 machines laparoscopiques de pointe – suffisantes pour stériliser 12 800 personnes par jour – afin de contribuer à l’effort. Le président de la Banque Mondiale, McNamara, était absolument ravi. En novembre 1976, il se rendit en Inde pour féliciter le gouvernement d’Indira Gandhi pour son excellent travail. « Enfin, » déclara-t-il, « l’Inde prend des mesures efficaces pour résoudre son problème de population ».

Le Premier ministre Gandhi obtint ses prêts. Elle fut également chassée en 1977, lorsque, lors de la plus grande élection démocratique de l’histoire, le peuple indien défia trois décennies de précédents et chassa son parti du Congrès du pouvoir par une victoire écrasante.

Malheureusement, dans la plupart des pays du Tiers-Monde, les gens n’ont pas la possibilité de se protéger contre le contrôle démographique. Tout aussi malheureusement, malgré la chute du gouvernement Gandhi, la pression financière exercée par la Banque Mondiale et l’USAID sur l’Inde pour qu’elle mette en œuvre le contrôle démographique se poursuivit. Au début des années 1980, quatre millions de stérilisations étaient pratiquées chaque année sur les classes défavorisées de l’Inde dans le cadre d’une politique coercitive de deux enfants par famille.

Comme dans l’Inde rurale, les fils sont considérés comme essentiels pour perpétuer la lignée familiale et soutenir les parents dans leur vieillesse, cette limite conduisit de nombreuses familles à chercher des moyens de se débarrasser de leurs filles en bas âge, souvent par noyade, asphyxie, abandon dans les égouts ou les décharges, ou encore incinération sur des bûchers funéraires. Plus récemment, le principal moyen d’éliminer le sexe le moins désirable est devenu l’avortement sélectif, qui a faussé le rapport entre les sexes de telle sorte que 112 garçons naissent pour 100 filles en Inde (bien au-delà du rapport naturel de 103 à 106), le rapport étant encore plus faussé dans certaines régions. Le fait que l’Inde compte aujourd’hui 37 millions d’hommes de plus que de femmes donne une idée de l’ampleur de ces meurtres qui ont été et sont encore pratiqués, ne serait-ce que sous l’aspect de l’avortement sélectif en fonction du sexe.

Pérou

En raison de leur proximité avec les États-Unis, l’Amérique Centrale et l’Amérique du Sud sont depuis longtemps dans la ligne de mire des contrôleurs de population de l’establishment américain de la sécurité nationale. Depuis les années 1960, sous l’impulsion de l’USAID, des programmes brutaux de contrôle démographique ont été mis en œuvre dans presque tous ces pays, du Mexique au Chili. Dans cet article, nous nous concentrerons sur l’un d’entre eux, le Pérou, car l’enquête criminelle menée sur ses principaux responsables a fourni l’une des meilleures documentations sur les abus systématiques qui ont été et continuent d’être perpétrés sous le couvert du contrôle démographique en Amérique Centrale et en Amérique du Sud.

Le Pérou montagneux comprend certaines des régions les moins peuplées de la planète. Ce fait n’a toutefois pas empêché les planificateurs de l’USAID de considérer ces zones rurales comme surpeuplées, ni de financer des programmes destinés à éliminer leur population. Commencés en 1966, ces efforts se poursuivirent à un niveau relativement bas jusqu’aux années 1990, lorsque l’homme fort Alberto Fujimori assuma des pouvoirs quasi dictatoriaux dans le pays.

En 1995, le président Fujimori lança une campagne de stérilisation à l’échelle nationale. Des équipes mobiles de stérilisation furent constituées à Lima, puis déployées dans les campagnes pour organiser des « festivals de ligature » d’une semaine dans un village après l’autre. Avant l’arrivée des équipes de stérilisation, des employés du ministère de la santé étaient envoyés sur place pour harceler les femmes locales et les obliger à se soumettre. Les femmes qui résistaient étaient soumises à des visites répétées à domicile et à de graves violences verbales de la part des fonctionnaires, qui répétaient aux femmes et aux filles autochtones qu’elles ne valaient pas mieux que des « chats » ou des « chiens » parce qu’elles voulaient avoir des enfants. Si cela ne suffisait pas, on disait aux mères que si elles ne se soumettaient pas à la ligature, leurs enfants n’auraient pas droit à l’aide alimentaire du gouvernement.

Les brigades de harcèlement du gouvernement et les membres des unités de stérilisation eux-mêmes fonctionnaient selon un système de quotas, s’efforçant d’atteindre l’objectif national de 100 000 ligatures des trompes par an. Ils étaient payés s’ils atteignaient leurs quotas, mais punis s’ils ne parvenaient pas à obtenir le nombre de femmes à stériliser prévu. En conséquence, de nombreuses femmes entrant dans les cliniques pour accoucher furent stérilisées sans le moindre argument pour obtenir leur permission. Compte tenu de la formation limitée du personnel chargé de la stérilisation (assurée dans de nombreux cas par des experts chinois du contrôle démographique, importés pour l’occasion), des conditions insalubres prévalant lors des « festivals de ligature » dans les villages et de l’absence totale de soins post-opératoires, il n’est pas surprenant que de nombreuses femmes aient souffert de graves complications et que plus d’une soit décédée des suites de leur mutilation.

Alors que le personnel gouvernemental chargé des stérilisations massives était composé de citadins d’origine espagnole, l’écrasante majorité des victimes étaient des indigènes ruraux parlant le quechua et d’origine inca. Il ne s’agit évidemment pas d’une coïncidence. Lorsque Fujimori fut chassé du pouvoir en 2000, le nouveau président, Alejandro Toledo, demanda au Congrès péruvien d’autoriser une enquête sur la campagne de contrôle démographique. Une commission d’enquête, connue sous le nom d’AQV, fut donc créée sous la direction du Dr Hector Chavez Chuchon. L’AQV a remis son rapport à la Commission des Droits de l’Homme du Congrès péruvien le 10 juin 2003.

Selon ce rapport, le gouvernement Fujimori a stérilisé 314 605 femmes en cinq ans. En outre, la campagne de contrôle démographique de Fujimori a « procédé à des stérilisations massives sur des groupes ethniques désignés, au profit d’autres groupes ethniques ou sociaux qui n’ont pas souffert du fléau avec la même intensité … l’action correspond à la définition du crime de génocide ». Le rapport poursuit en dressant un « acte d’accusation constitutionnel » contre Fujimori et divers fonctionnaires de son gouvernement « pour la commission présumée de crimes contre la Liberté Individuelle, contre la Vie, le Corps et la Santé, de Conspiration Criminelle et de Génocide ».

Les principaux bailleurs de fonds de la campagne de génocide de Fujimori étaient l’USAID (qui a ignoré la loi américaine et une enquête du Congrès en 1998 pour continuer à soutenir financièrement cette campagne), l’UNFPA et la Fédération Internationale du Planning Familial.

Chine

En juin 1978, Song Jian, un cadre supérieur chargé de développer des systèmes de contrôle pour le programme chinois de missiles guidés, s’est rendu à Helsinki pour assister à une conférence internationale sur la théorie et la conception des systèmes de contrôle. Pendant son séjour en Finlande, il s’est procuré des exemplaires de The Limits to Growth (Les limites de la croissance) et Blueprint for Survival (Plan de survie) – publications du Club de Rome, source majeure de propagande malthusienne – et a fait la connaissance de plusieurs Européens qui faisaient la promotion de la méthode préconisée dans ces rapports, à savoir l’utilisation de l' »analyse des systèmes » informatisée pour prédire et concevoir l’avenir de l’humanité.

Fasciné par les possibilités offertes, Song retourna en Chine et republia l’analyse du Club sous son propre nom (sans attribution), établissant ainsi sa réputation de penseur brillant et original. En effet, alors que les projections informatiques du Club de Rome sur les pénuries imminentes de ressources, les graphiques montrant le raccourcissement des périodes d’augmentation démographique et les discussions sur les « capacités de charge », les « limites naturelles », les extinctions massives et le « vaisseau spatial Terre » isolé étaient tous des clichés bien connus en Occident en 1978, en Chine, il s’agissait d’idées fraîches et percutantes. En un rien de temps, Song devint une superstar de la science. Saisissant l’occasion de gagner en pouvoir et en importance, il réunit un groupe d’élite de mathématiciens issus de son département et, avec l’aide d’un puissant ordinateur pour fournir les effets spéciaux nécessaires, il rendit un jugement soigneusement calculé selon lequel la taille « correcte » de la population chinoise était de 650 à 700 millions d’habitants, soit 280 à 330 millions de moins que la population réelle de 1978. L’analyse de Song trouva rapidement un écho favorable dans les hautes sphères du Parti Communiste Chinois, car elle prétendait prouver que la raison de la pauvreté persistante de la Chine n’était pas due à trente années de gouvernance désastreuse, mais à l’existence même du peuple chinois. (Pour démontrer la fausseté totale de l’argument de Song, il suffit de noter qu’en 1980, la Corée du Sud voisine, avec une densité de population quatre fois supérieure à celle de la Chine, avait un produit national brut par habitant sept fois plus élevé). Le dirigeant suprême Deng Xiaoping et ses collègues du Comité Central furent également très impressionnés par le babillage informatique pseudo-scientifique utilisé par Song pour habiller sa théorie – qui, contrairement à ses documents sources du Club de Rome en Occident, fut diffusée sans opposition dans les médias techniques et populaires chinois contrôlés par l’État.

Song suggéra aux dirigeants chinois de limiter le nombre d’enfants par famille à un seul, avec effet immédiat. Deng Xiaoping apprécia les propos de Song, et ceux qui auraient pu avoir le pouvoir de s’opposer à la politique de l’enfant unique s’empressèrent de se protéger en s’alignant pour la soutenir. Lors de la conférence de Chengdu sur la population, en décembre 1979, un seul homme courageux, Liang Zhongtang, professeur de marxisme à l’école du parti de la province de Shaanxi, invita ses camarades du parti à réfléchir à la brutalité qu’ils s’apprêtaient à infliger: « Nous avons rendu les souffrances des paysans suffisamment amères sur le plan économique. Nous ne pouvons pas les faire souffrir davantage. » Liang tenta également d’argumenter d’un point de vue pratique. Si nous appliquons cette politique, a-t-il dit, chaque couple marié chinois devra subvenir aux besoins de quatre grands-parents âgés, d’un enfant et de lui-même, ce qui est clairement impossible. Aucun des enfants n’aura de frère ou de sœur, d’oncle ou de tante. Aucun des parents n’aura de parents de sa propre génération pour l’aider en cas de besoin. Le tissu social de la vie du village se désagrégera complètement. Il n’y aura personne pour servir dans l’armée.

Mais ces objections de bon sens furent sans effet. Le mot d’ordre vint bientôt d’en haut : un enfant par famille était désormais la politique de la direction infaillible du Parti, et aucun désaccord ne serait plus toléré.

C’est ainsi que débuta le programme de contrôle démographique le plus radical depuis l’Allemagne nazie. Les contrôleurs démographiques n’avaient plus besoin de recourir à des astuces, des pots-de-vin, des refus de prestations, des festivals de ligature itinérants ou des pelotons de démolition de bidonvilles pour obtenir leurs victimes. Ils disposaient désormais du pouvoir organisé et implacable d’un État totalitaire pour imposer leur volonté, exerçant leur emprise non seulement sur une bureaucratie massive, mais aussi sur des forces policières et militaires gigantesques, une police secrète, de vastes installations pénitentiaires, un contrôle total des médias et des dizaines de millions d’informateurs. Dans « La Bombe Démographique », Paul Ehrlich avait appelé à un contrôle étatique de la reproduction humaine, avec une « régulation obligatoire des naissances ». Douze ans plus tard, le rêve utopique d’Ehrlich était devenu une réalité cauchemardesque pour un cinquième de l’humanité.

Qian Xinzhong, un ancien général de division de l’Armée Populaire de Libération formé en Union Soviétique, fut chargé de la campagne. Il ordonna que toutes les femmes ayant un enfant se fassent poser un stérilet en acier inoxydable et qu’elles soient inspectées régulièrement pour s’assurer qu’elles n’y avaient pas touché. Le retrait du dispositif fut considéré comme un acte criminel. Tous les parents ayant deux enfants ou plus devaient être stérilisés. Aucune grossesse n’était autorisée pour les personnes de moins de 23 ans, qu’elles soient mariées ou non, et toutes les grossesses non autorisées devaient être interrompues. « La naissance d’un troisième enfant n’est en aucun cas autorisée », déclara Qian.

Les femmes qui bravèrent ces injonctions furent enlevées et stérilisées de force. Les bébés étaient avortés jusqu’au neuvième mois de grossesse, et nombre d’entre eux pleuraient lorsqu’ils étaient poignardés à mort au moment de la naissance. Les femmes qui s’enfuyaient pour tenter de sauver leurs enfants furent pourchassées et, si elles ne pouvaient être rattrapées, leurs maisons étaient démolies et leurs parents jetés en prison, où ils restaient jusqu’à ce qu’une rançon de 20 000 yuans – environ trois ans de revenu pour un paysan – soit payée pour leur libération. Les bébés nés de ces fugitifs furent déclarés « enfants noirs », des non-personnes illégales aux yeux de l’État, sans aucun droit à l’emploi, à l’enseignement public, aux soins de santé ou à la procréation.

Les dirigeants de l’UNFPA et de la Fédération Internationale du Planning Familial furent ravis et s’empressèrent d’envoyer de l’argent (fourni principalement par le Département d’État américain) et du personnel pour aider à soutenir la campagne. Les méthodes chinoises étaient si ouvertement brutales que la responsable de l’information de l’IPPF, Penny Kane, exprima son inquiétude – non pas à propos de ce qui était fait à des millions de femmes, de filles et de nourrissons chinois, mais à propos du désastre possible en termes de relations publiques qui pourrait entacher l’image de l’IPPF si les Américains découvraient ce qu’elle faisait. « Des mesures très strictes sont prises pour réduire la population », écrivit Kane depuis la Chine. « Je pense que, dans un avenir assez proche, cette affaire fera les choux gras de la presse, car elle contient tous les ingrédients du sensationnalisme – communisme, planning familial forcé, meurtre de foetus viables, parallèles avec l’Inde, etc. Lorsque l’affaire éclatera, elle sera très difficile à défendre… Nous pourrions avoir beaucoup de mal à gérer la presse et le public si les méthodes chinoises suscitaient une grande agitation ».

Les bébés nés en Chine en dépit de la politique de l’enfant unique sont déclarés « enfants noirs » et n’ont droit ni à la nourriture, ni aux soins de santé, ni à l’éducation. S’ils sont de sexe féminin, ils sont souvent tués, soit à la naissance, soit, s’ils sont appréhendés plus tard, dans les orphelinats où ils sont rassemblés. Ci-dessus, Mei Ming, une fillette de deux ans attachée à une chaise dans une « salle d’agonie ». Le seau placé en dessous d’elle sert à recueillir son urine et ses excréments alors qu’elle mourra de faim et de négligence au cours des prochains jours. La photo ci-dessus a été prise par une équipe de télévision britannique lors du tournage du documentaire The Dying Rooms (1995). Le gouvernement chinois nie l’existence des salles d’agonie.
Avec l’aimable autorisation de Care of China’s Orphaned and Abandoned (Soins aux orphelins et enfants abandonnés de Chine)

Faisant fi des inquiétudes de Mme Kane, l’IPPF intensifia son soutien à la campagne. Conformément à ses craintes, l’affaire commença à éclater dans les pays occidentaux. Le 30 novembre 1981, le Wall Street Journal publia un article de Michele Vink, témoin oculaire de femmes « menottées, attachées avec des cordes ou placées dans des paniers à cochons » alors qu’elles étaient emmenées pour subir des avortements forcés. Selon Mme Vink, les véhicules transportant les femmes vers les hôpitaux de Canton « résonnaient de bruits plaintifs », tandis que des nourrissons non autorisés étaient tués en masse. « Chaque jour, des centaines de fœtus arrivent à la morgue », déclara l’une des sources de Vink.

Le 15 mai 1982, le correspondant étranger du New York Times, Christopher Wren, publiait un article encore plus dévastateur. Il rapportait des histoires de milliers de femmes chinoises « rassemblées et forcées à avorter », des récits de femmes « enfermées dans des cellules de détention ou traînées devant des rassemblements de masse et haranguées pour qu’elles consentent à l’avortement », ainsi que des « vigiles [qui] enlevaient des femmes enceintes dans la rue et les traînaient, parfois menottées ou ligotées, jusqu’à des cliniques d’avortement ». Il citait un journaliste chinois qui décrivait « des bébés avortés qui pleuraient à la naissance ». L’horreur devint si évidente qu’elle ne pouvait plus être niée. En 1983, les journaux chinois eux-mêmes publiaient des articles sur « le dépeçage, la noyade et l’abandon à la mort d’enfants de sexe féminin, ainsi que sur les mauvais traitements infligés aux femmes qui avaient donné naissance à des filles ».

Insensible à la couverture médiatique, Qian redoubla d’efforts. Les responsables locaux du Parti Communiste reçurent des quotas de stérilisations, d’avortements et de poses de stérilets. S’ils les dépassaient, ils pouvaient être promus. S’ils ne les atteignaient pas, ils étaient exclus du Parti en disgrâce. Ces mesures garantirent des résultats. En 1983, 16 millions de femmes et 4 millions d’hommes furent stérilisés, 18 millions de femmes se virent poser un stérilet et plus de 14 millions d’enfants furent avortés. Par la suite, ces chiffres se maintinrent, le total combiné des avortements forcés, des implantations de stérilets et des stérilisations dépassant les 30 millions par an jusqu’en 1985.

Pour célébrer les réalisations de Qian, l’UNFPA lui décerna en 1983 (en même temps qu’à Indira Gandhi) le premier Prix de la Population des Nations Unies, accompagné d’un diplôme, d’une médaille d’or et d’une somme de 25 000 dollars en espèces. Dans un discours de félicitations prononcé lors de la cérémonie de remise du prix à New York, le Secrétaire général des Nations unies, Javier Pérez de Cuéllar, déclara : « Compte tenu du fait que la Chine et l’Inde abritent plus de 40% de l’humanité, nous devons tous exprimer notre profonde appréciation de la manière dont leurs gouvernements ont rassemblé les ressources nécessaires pour mettre en œuvre des politiques démographiques à grande échelle. » Qian se leva et promit de continuer à « contrôler la quantité de population et à améliorer la qualité de la population ». Les Nations Unies ne furent pas les seules à exprimer leur reconnaissance. La Banque Mondiale exprima ses remerciements de la manière la plus sincère qui soit, c’est-à-dire avec de l’argent, en accordant à la Chine 22 milliards de dollars de prêts en 1996.

Étant donné l’importance suprême pour les familles rurales chinoises d’avoir un fils, à la fois pour s’occuper des parents âgés et pour perpétuer la lignée et honorer les ancêtres de la famille, de nombreux paysans ne pouvaient tout simplement pas accepter d’avoir une fille comme unique enfant. Le pic d’infanticides féminins qui en résulta n’était peut-être pas particulièrement inquiétant pour les autorités en soi, compte tenu de leur attitude à l’égard des questions de cette nature, mais l’effondrement total de la société qu’il trahissait l’était. Face à cette réalité, en 1988, le gouvernement de certaines provinces fit un petit compromis et accepta que les couples dont le premier enfant était une fille puissent essayer une fois de plus d’avoir un fils – à condition qu’il n’y ait pas de naissances non autorisées ou d’autres violations de la politique démographique par quiconque dans le village du couple au cours de l’année en question. Cette « réforme » a eu pour effet salutaire – du point de vue totalitaire – de détruire la solidarité paysanne, qui avait permis de protéger les femmes locales qui accouchaient dans la clandestinité. Au lieu de cela, la pression hystérique du groupe se mobilisa contre ces rebelles, tous les habitants du village se transformant en espions du gouvernement pour surveiller leurs voisins contre d’éventuelles infractions.

Le meurtre des filles se poursuivit cependant à un rythme soutenu. Entre 2000 et 2004, près de 1,25 garçon naissait pour chaque fille, ce qui signifie qu’un cinquième des bébés filles en Chine étaient soit avortées, soit assassinées. Dans certaines provinces, la fraction éliminée atteignait même la moitié.

Le terrible bilan

En 1991, Nafis Sadik, directrice de l’UNFPA, se rendit en Chine pour féliciter les oligarques de la République Populaire pour leur excellent programme qui, à l’époque, avait déjà stérilisé, implanté des stérilets ou pratiqué des avortements sur quelque 300 millions de personnes. « La Chine a toutes les raisons d’être fière et satisfaite des résultats remarquables obtenus dans le cadre de sa politique de planification familiale et de contrôle de la croissance démographique au cours des dix dernières années », déclara-t-elle. « Le pays pourrait maintenant offrir son expérience et ses experts pour aider d’autres pays… L’UNFPA va employer certains [des experts chinois en planning familial] pour travailler dans d’autres pays et populariser l’expérience de la Chine en matière de contrôle de la croissance démographique et de planning familial ».

Sadik tint sa promesse. Avec l’aide de l’UNFPA, le modèle chinois de contrôle de la population fut mis en œuvre dans sa quasi-totalité au Vietnam, et utilisé pour renforcer l’efficacité brutale des efforts anti-humains dans de nombreux autres pays, du Bangladesh au Sri Lanka, en passant par le Mexique et le Pérou.

Entre-temps, de nombreux autres pays ont connu des histoires tout aussi sinistres. Le programme indonésien de contrôle démographique était étendu et coercitif ; Betsy Hartmann a relaté un cas en 1990 dans lequel « des travailleurs du planning familial accompagnés par la police et l’armée sont allés de maison en maison et ont emmené des hommes et des femmes à un endroit où des stérilets étaient posés. Les femmes qui refusaient se voyaient poser des stérilets sous la menace d’une arme ». L’engagement de longue date du gouvernement indonésien en faveur du contrôle de la population signifiait que les autres domaines des soins de santé n’étaient pas prioritaires, ce qui explique pourquoi le taux de mortalité infantile du pays est deux fois plus élevé que celui de la Malaisie et de la Thaïlande voisines.

La mauvaise répartition des ressources sanitaires limitées est encore plus évidente en Afrique subsaharienne. Les professionnels de la santé et les programmes qui devraient être consacrés à la lutte contre le paludisme et d’autres maladies mortelles le sont plutôt au contrôle démographique. Comme l’a écrit en 1997 le Dr Stephen Karanja, ancien secrétaire de l’Association Médicale Kenyane:

Notre secteur de la santé s’est effondré. Des milliers de Kenyans mourront du paludisme, dont le traitement ne coûte que quelques centimes, dans des établissements de santé dont les étagères sont remplies à ras bord de pilules, de stérilets, de Norplant, de Depo-Provera, etc. d’une valeur de plusieurs millions de dollars, dont la plupart sont fournis avec de l’argent américain… Des salles d’opération spéciales, entièrement équipées et ne manquant pas d’instruments, sont ouvertes dans les hôpitaux pour la stérilisation des femmes. Dans ces mêmes hôpitaux, les interventions chirurgicales d’urgence ne peuvent être pratiquées faute d’instruments et de fournitures de base.

Lors d’une interview en 2000, Karanja poursuivait: « On ne peut pas faire d’opérations parce qu’il n’y a pas d’équipement, pas de matériel. La salle d’opération ne fonctionne pas. Mais s’il s’agit d’une stérilisation, la salle est équipée ». Pire encore, comme Steven Mosher l’a affirmé dans son livre Population Control, il y a de bonnes raisons de croire que les 100 millions d’aiguilles hypodermiques expédiées en Afrique depuis les années 1990 pour l’injection de médicaments contraceptifs ont été l’une des principales causes de la terrible épidémie de sida qui sévit sur le continent et qui a fait des dizaines de millions de morts, avec près de deux millions de morts supplémentaires attendues cette année, l’année prochaine et pour les années à venir. [NdT. comptage très surévalué]

Dans le monde entier, le mouvement de contrôle démographique s’est traduit par des milliards de vies perdues ou ruinées. Nous ne pouvons pas nous contenter de réfuter la pseudo-science et de relater les crimes des contrôleurs démographiques. Nous devons également exposer et confronter l’idéologie antihumaniste sous-jacente. Si l’on accepte l’idée que les ressources mondiales sont fixes et qu’il n’y en a que pour un certain nombre, alors chaque nouvelle vie est indésirable, chaque acte ou pensée non réglementé est une menace, chaque personne est fondamentalement l’ennemie de toute autre personne, et chaque race ou nation est l’ennemie de toute autre race ou nation. Le résultat ultime d’une telle vision du monde ne peut être que la stagnation forcée, la tyrannie, la guerre et le génocide. Les crimes horribles préconisés ou perpétrés par les adeptes de l’antihumanisme au cours des deux derniers siècles le prouvent de manière irréfutable. Ce n’est que dans un monde aux ressources illimitées que tous les hommes peuvent être frères.

C’est pourquoi nous devons rejeter l’antihumanisme et adopter une éthique fondée sur la foi en la capacité de création et d’invention de l’homme. Ce faisant, nous affirmons que nous ne vivons pas à la fin de l’histoire, mais au début de l’histoire; que nous croyons à la liberté et non à l’enrégimentement; au progrès et non à l’immobilisme; à l’amour plutôt qu’à la haine; à la vie plutôt qu’à la mort; à l’espoir plutôt qu’au désespoir.


Robert Zubrin est l’un des rédacteurs de New Atlantis. Cet essai est adapté de son nouveau livre – le dernier volume de notre série New Atlantis BooksMerchants of Despair: Radical Environmentalists, Criminal Pseudo-Scientists, and the Fatal Cult of Antihumanism (Les marchands de désespoir: les écologistes radicaux, les pseudo-scientifiques criminels et le culte fatal de l’antihumanisme).

Robert Zubrin, « The Population Control Holocaust », The New Atlantis, numéro 35, printemps 2012, pp. 33-54.

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