Qu’est-ce qui est pire que la mort?
J’ai pris un peu de retard dans mes publications, cher lecteur. J’ai été malade, mais ça va mieux. Heureusement, parce que vivre dans cet état n’en vaut vraiment pas la peine. Bon sujet pour un article, me disai-je.
Miriam en arrivait ici à la conclusion que toute l’ingénierie sociale s’articule en fin de compte sur la peur de la mort, menace cachée derrière tous les non-dits du pouvoir. Je le croyais aussi mais c’était une erreur, du moins en partie. Je viens de comprendre que mourir ne dérange pas du tout les vieux. Ils ont fait leur temps, ils sont mal foutus, ils en ont eu assez – du meilleur comme du pire – on les a trop fait chier, etc. Non, ce qui les dérange plus que la mort, c’est la solitude. Surtout si on leur inflige les deux en même temps.
Des vieux, on en a tué un paquet en 2020. Des dizaines de milliers, des centaines de milliers?.. Le saura-t-on un jour? De toute façon, plus personne n’en a rien à battre. On va tourner la page, on va tous bien gentiment aller voter et « restaurer la confiance dans les institutions ». Tuer les vieux est de toute façon une vieille tradition humaine, sauf qu’à l’époque on avait la délicatesse d’y mettre les formes. Là, on l’a fait consciencieusement, méthodiquement, en leur refusant les trois cachets – prix: un dollar – qui ont toujours été utilisés pour traiter une pneumonie post-virale, puis à coups de respirateurs, Rivotril, morphine et Remdesivir, et de mention « Ne pas ressusciter » tamponnée sur leur dossier, protocole suivi à la lettre par des dizaines de milliers de médecins et infirmières de par le monde, qui ont apparemment tout oublié de leurs études sauf leur cours de math: dépenser un dollar pour sauver Mamy, en gagner plus de trente mille (tarif US) pour la tuer. Loin des regards, enfermés dans une chambre de maison de repos ou d’hôpital – ce qui continue en ce moment, et pas que pour les vieux, sous l’appellation « suicide médicalement assisté ».
On a enfermé les autres dans leur petite cellule personnelle, avec consigne de ne se rendre que quand il était trop tard à l’hôpital – où certains ne sont pas allés, sachant ce qui les attendait, c’est-à-dire probablement la mort. Pas n’importe quelle mort, une mort dans la solitude. C’était avant tout une épidémie de solitude qu’on a tenté d’inoculer à huit milliards de personnes. Je pense que c’est ça qui leur a foutu la trouille. La « distanciation sociale », qui se guérit avec un vaccin.
Le moteur de cette société, depuis la nuit des temps, c’est le chantage à la solitude. Qu’on l’appelle ostracisme, exclusion, bannissement ou même quarantaine, en définitive, c’est juste de solitude qu’on nous menace. C’est ce qui permet de vendre réseaux sociaux, smartphones, drogues, anti-dépresseurs, vaccins, sexe et guerres en tout genre. Ça fonctionne un moment jusqu’au moment où ça ne fonctionne plus.
Le monde devrait comprendre que bon nombre de vieux n’en a plus rien à caler de ses foutaises. Comprendre aussi que, même s’ils dérangent et s’ils sentent la soupe, ce sont les vieux qui ont fait jusqu’à présent tourner la boutique et qu’on a rien trouvé de très convaincant pour les remplacer: intelligence artificielle, énergies renouvelables, Neuralink, tout ce genre de combine foireuse d’investisseurs véreux et de « parties prenantes » ne fonctionneront jamais.

J’ai soixante ans la semaine prochaine. Je pouvais prendre ma retraite, mais je continue encore un an. C’eût été l’occasion de former un jeune à mon métier, qui s’apprend essentiellement par la pratique mais ce n’est pas au programme. Mon beau-frère, qui avait un boulot encore plus pointu et irremplaçable que le mien, est dans le même cas de figure. La transmission du savoir ne s’est pas faite. Les jeunes ne veulent plus travailler, n’en sont plus capables, ou les deux. Le travail est un truc de vieux et on nous a déjà oubliés. Ils repenseront pourtant bientôt à nous, le jour où ce monde se mettra à vraiment partir en vrille et où il leur faudra revoir leurs ambitions à la baisse. Devant leurs nouveaux jouets inutiles, ils risquent de se sentir un peu con.
Et à vrai dire, un peu seuls.