Promenades.

Je suis malade comme un chien. Ça fait plus de quarante-huit heures que je ne sors pratiquement pas du lit, sauf pour bouffer du médicament. Excepté des angines blanches à répétition quand j’étais gamin et la varicelle à vingt-sept ans, je n’ai jamais été aussi arrangé par une maladie. 38,5° presque en permanence, c’est beaucoup pour mon grand âge.

Soyez rassuré si tout ça vous laisse froid, vous n’êtes pas les seuls. Personne n’en a rien à caler, à part mon épouse évidemment, qui était malade avant moi, se retape lentement et s’occupe de moi. Je m’en souviendrai.

J’en parlais d’abord pour expliquer pourquoi je n’ai plus rien publié depuis quelques jours. Ensuite pour préciser que d’après le toubib, ce n’est pas le Covid. Ça fait bizarre d’être malade d’autre chose. Je garde un léger doute, qu’on ne dissipera évidemment pas avec un test, disons, pas très fiable. Que les autorités et le genre humain se rassure, je suis de toute façon en quarantaine totale dans mon lit – j’ai juste passé une heure dans ma cuisine depuis jeudi, et quelques instants à l’ordi maintenant. Je ne sortirai que bien après que tous les symptômes aient disparu. Pour un « anti-vaxx » ou quelle que soit l’appellation débile qu’on me colle, je prends le risque de contagion extrêmement au sérieux, justement parce que je sais qu’aucune mesure autre que la quarantaine ne fonctionne.

Je reprends doucement le cours de mes publications (très doucement, j’ai la tête comme un seau) pour passer un peu le temps, et aussi pour me sortir du lit et – virtuellement – de la maison. J’avais rédigé deux récits de mes balades juste avant de tomber malade, ça tombe bien. J’y parle des derniers êtres qui me fascinent et me font du bien, mes amis les oiseaux, et quelques autres. Je suis légèrement déçu par certains bipèdes. Ne le prenez pas pour vous.

J’espère vous retrouver bientôt, sinon vous pouvez engueuler le toubib de ma part.


Promenade n°1: 09/03.

Je reviens de promenade avec le chien.

Nous avons vu un cormoran pêcher dans la rivière. Autant ils sont maladroits et même un peu pathétiques – mais très rigolos – quand ils s’amassent tous sur un seul arbre où il n’y a pas assez de branches pour qu’ils y tiennent tous, autant ils sont impressionnants et admirables quand ils plongent pour attraper leurs poissons.

Les canards étaient là aussi, évidemment, en couples pour la plupart, avec quelques mâles qui zonent autour. Je ne me lasserai jamais de les regarder agiter leur derrière et vivre leur petite vie. Il faudra que je fasse la promenade de l’autre côté du pont, pour voir encore ce couple tellement fidèle, le mâle veillant sans relâche sur sa femelle à la patte folle, qui fait ce qu’elle peut pour nager dans le fort courant de la rivière. Et qui, m’a dit un vieux Monsieur qui habite une maison sur la rive, vient frapper à sa porte le matin pour réclamer le pain qu’il leur donne tous les jours. J’ai moi-même une mésange qui vient tous les jours dans mon atelier me rappeler de lui donner ses amandes pelées – elle ne veut rien d’autre. Et elle n’oublie quasiment jamais de me dire merci.

On a pas vu les oies du Canada, qui vont et viennent entre ici et le village voisin, sauf un couple qui semble avoir élu domicile à un endroit de la rive où je les vois chaque jour, et que je salue bien aussi.

Nous n’avons pas vu de castor – eh oui, nous avons des castors – mais on sait qu’ils sont toujours là par les troncs soigneusement rongés, et parfois abattus. Pour les voir, il faut sortir au crépuscule – et avoir un peu de chance. Quand il fait vraiment nuit, on en entend parfois un qui plonge, ce qui intrigue beaucoup le chien ou l’effraye carrément – j’ai un chien très féroce, voyez-vous.

Les milans n’étaient pas là aujourd’hui, ceux qui nichent sur les hauteurs de collines et nous honorent de leur vol fascinant et nos appellent de leur belle voix de rapace. Et qui parfois descendent nous montrer le motif de leur plumage. C’est pas grave, j’en ai vu sur le chemin du retour, où je vois aussi un épervier en chasse, toujours le même au même endroit, en vol stationnaire en attendant de foncer sur son campagnol.

Pas non plus de martin pêcheur aujourd’hui mais ils ne sortent pas souvent et, à part leur bleu impossible à louper, ils sont assez discrets. Pas autant que les poules d’eau, qui restent cachées si il y a un tant soit peu de passage sur la rive. Quelques bergeronnettes, des merles, des corneilles, et bien entendu les majestueux hérons, pleins de noblesse, attendant immobiles leur poisson avant de rejoindre leur arbre ou les aigrettes blanches dans les prés et les champs avoisinants.

Et puis nous sommes rentrés et les chats nous attendaient, trois belles petites que nous avons sauvées au mois d’août – une longue histoire compliquée mais qui finit bien.


Promenade n°2: 10/03

Départ au boulot à midi aujourd’hui, je roule donc sous un beau soleil.

Lundi, on a eu des nuées d’étourneaux, probablement des milliers dans le ciel du matin. Dans ce cas-là, je m’arrête et je regarde, et ça reste gravé dans ma mémoire pour toujours. Ce n’est donc pas à proprement parler une promenade sauf qu’en fait c’est souvent ma première (et souvent seule) source de joie de la journée. Renards, blaireaux, écureuils, ils ont tous leurs saisons, leurs heures et leurs endroits, que j’ai appris à connaître. Sans oublier le vaches, celles qui paissent dans le pré devant mon boulot sont vraiment magnifiques et, question conversation, pas tellement moins intelligentes que certaines personnes que je croise.

Aujourd’hui, une famille de sangliers traverse un champ sur la droite, puis la route, pour rejoindre la forêt de l’autre côté. Le papa (je crois) devant, les cinq petits et la maman qui ferme la marche. Voilà une vision qui inspire le respect. Ceux qui ont déjà croisé un sanglier de près comprendront de quoi je parle.

Mon épouse m’informe que cinq petits, c’est en fait anormal pour une portée de sangliers. Il s’agirait d’une intervention des chasseurs, qui auraient croisé des sangliers sauvages avec des cochons domestiques, plus fertiles, pour obtenir plus de gibier à chasser. Aux animaux non plus, ces connards ne foutront jamais la paix.

En sortant du village suivant, j’aperçois un véhicule militaire rangé sur le bord de la route. Comme on est à la campagne, et qu’on y voit vraiment de tout, je n’y prête pas attention.

Puis devant le pont qui mène à mon boulot – un pont très joli au-dessus d’un ruisselet, pas vraiment un point stratégique majeur – deux autres véhicules militaires, dont un avec une espèce de canon dessus. Je ne connais absolument rien en la matière mais petit, j’avais un jouet identique, qui tirait des petites billes en plastique rouge, au moyen d’un ressort à remonter. Ça fait donc déjà trois véhicules militaires, la moitié du contingent national (humour facile, je sais). Je me dis qu’après les sangliers, le monde fait son possible pour m’amuser. Je leur demande poliment si je peux passer et, vraiment très sympa, ils avancent un peu pour laisser la place à mon scooter.

Devant l’avalanche de connerie qui nous ensevelit depuis deux ans, je n’exclus aucune hypothèse. On aurait bien envoyé ces braves gens en manoeuvre pour rassurer la population. Mission accomplie, je suis rassuré.

Mais est-ce suffisant? Ne faudrait-il pas aussi inquiéter « l’ennemi »? L’avertir de ce qu’il risque d’affronter?

Messieurs les soldats russes, passez votre chemin. Ne venez pas en Belgique, vous le regretteriez.

Nous avons des sangliers sauvages en liberté!

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