Ce qui se passe réellement en Chine – par Charles Hugh Smith.

Deuxième article de Charles.

Source.


Traduction

Ce qui se passe réellement en Chine

23 septembre 2021

Des pertes seront subies et des sacrifices imposés à ceux qui ne comprennent pas que l’État chinois ne pourra plus absorber les pertes liées aux excès spéculatifs.

Commençons par stipuler que personne en dehors du cercle restreint du président Xi ne sait vraiment ce qui se passe en Chine, et donc mes commentaires ici sont des observations systémiques, et non des revendications de connaissances d’initiés.

De nombreux observateurs occidentaux ont noté la centralité de la doctrine marxiste-léniniste-maoïste dans les écrits du président Xi. Cela revient un peu à invoquer les Pères fondateurs de l’Amérique pour soutenir les politiques actuelles [américaines]: si vous essayez de modifier la politique de l’État en Chine, vous devez l’expliquer dans le contexte de l’histoire et des doctrines du Parti Communiste chinois. Peu importe si les idéaux ne sont pas atteints ; ce qui importe, c’est d’établir une continuité et une résonance avec l’histoire de la Chine, les doctrines fondamentales du communisme chinois et le leadership du PCC fondé sur ces doctrines.

Cela dit, nous devons veiller à ne pas trop lire dans les évocations doctrinales telles que la prospérité commune, qui sont des ancrages conceptuels et des slogans utiles, mais ne donnent pas l’histoire complète.

Ce qui se passe réellement en Chine n’est ni marxiste ni capitaliste – c’est tout simplement la cupidité humaine non idéologique, l’orgueil démesuré et la pensée magique qui se manifestent sous la forme d’un aléa moral incontrôlé. L’aléa moral [NdT. Un effet pervers qui peut apparaître dans ce type de situations est qu’un agent, isolé d’un risque, se comporte différemment que s’il était totalement lui-même exposé au risque] – la séparation du risque et des conséquences, lorsque les spéculateurs font des paris de plus en plus risqués parce qu’ils savent que les pertes seront couvertes par l’État – est effectivement la nouvelle Religion d’État en Chine : tout le monde est absolument convaincu que chaque parieur, en particulier tous les spéculateurs riches, puissants et bien connectés, sera renfloué par le gouvernement central.

La cupidité ne connaît aucune limite lorsqu’un spéculateur est protégé du risque [NdT. voir aussi les firmes pharmaceutiques, même cas de figure], car les gens ont un appétit insatiable pour les paris risqués lorsque les gains leur reviennent et que les pertes sont couvertes par le gouvernement.

C’est l’histoire fondamentale d’Evergrande : la garantie implicite du gouvernement chinois a permis un aléa moral quasi illimité qui a ensuite alimenté une explosion de la spéculation financée par la dette, sans aucun lien avec les risques réels, les ventes, le rendement du capital, etc.

Les États-Unis et la Chine ont tous deux été un paradis utopique de l’aléa moral au cours des 30 dernières années. Aux États-Unis, la Réserve Fédérale renflouait toute perte ou baisse dans l’orgie de la bulle de la dette et des actifs.

En Chine, la politique implicite était que les pertes structurelles des entreprises d’État et les excès spéculatifs du développement rapide seraient tolérés tant que la croissance réelle de l’emploi, des salaires, des bénéfices et des modes de vie serait forte. La création de grandes quantités de monnaie d’emprunt était nécessaire pour soutenir la croissance, et le fait qu’elle soutienne également les excès spéculatifs était accepté comme faisant partie du prix d’un progrès explosif, tout comme les dommages environnementaux.

Après 30 ans, l’équation a changé en Chine : la dette dans le secteur bancaire officiel et dans le secteur bancaire parallèle informel a explosé, de même que les excès purement spéculatifs, tandis que la « bonne croissance » a stagné. C’est le problème de l’incitation à l’aléa moral : les bénéfices de la spéculation, de la corruption et de la fraude dépassent de loin les maigres profits des entreprises légitimes. Alors où mettre les milliards empruntés? Dans Evergrande et d’autres conglomérats de spéculation.

Quelque chose d’autre a changé au cours de ces 30 années de développement rapide: les inégalités sont montées en flèche, et comme les inégalités et la corruption se renforcent mutuellement, la corruption a également atteint de nouveaux sommets avec la montée en flèche des inégalités.

Un troisième facteur est apparu après 30 ans de promotion de la technologie et de la spéculation : le pouvoir des grandes entreprises technologiques et des financiers chinois a commencé à empiéter sur le contrôle du Parti Communiste.

Ces trois facteurs ont gonflé une bulle de dettes, d’actifs et de spéculation d’une ampleur considérable. Le président Xi a compris ce que la Réserve Fédérale et les autres banques centrales occidentales n’ont pas compris : Soit vous éclatez la bulle lorsque vous avez encore un certain contrôle sur elle, soit vous la laissez se développer et éclater lorsque vous avez perdu tout contrôle.

En termes systémiques, lorsque le risque et la fragilité atteignent des niveaux instables dans des systèmes étroitement liés, il est impossible de contrôler une implosion du système de l’ampleur d’une supernova.

Xi a observé la montée en flèche du pouvoir des Big Tech, des financiers incités par l’aléa moral et des crypto-monnaies et a conclu que l’État devait agir de manière décisive pour écraser ces rivaux, quel qu’en soit le coût. Cela fait la différence entre la Chine et l’État américain, qui est incapable d’imposer des sacrifices, des limites ou des coûts à l’élite parasitaire qui domine son économie et son ordre politique.

Xi a vu le danger que représentait le fait que les grandes entreprises technologiques et les financiers puissent acheter toute l’influence dont ils avaient besoin auprès des fonctionnaires corrompus du PCC et de l’État, et il a compris que c’était le moment crucial de l’histoire : soit il écrasait les grandes entreprises technologiques et les financiers/spéculateurs, soit il risquait de perdre le contrôle au profit de leurs intérêts.

Le PCC et Xi veulent conserver le contrôle, quel qu’en soit le coût pour les nouveaux riches, les élites parasites, la classe moyenne ambitieuse et même les fidèles du Parti qui ont trop souvent et trop glorieusement profité de la corruption et de l’aléa moral.

Des pertes seront subies et des sacrifices seront imposés à ceux qui ne comprennent pas que l’État chinois ne pourra plus absorber les pertes liées aux excès spéculatifs. Ceux qui ne comprennent pas que le règne des élites parasites du secteur privé et des fonctionnaires du Parti corrompus à l’excès en Chine est terminé pourraient méditer avec profit ce proverbe chinois : « Celui qui se mêle aux ordures sera mangé par les cochons ».


Texte original

What’s Really Going On in China

September 23, 2021

Losses will be taken and sacrifices enforced on those who don’t understand the Chinese state will no longer absorb the losses of speculative excess.

Let’s start by stipulating that no one outside President Xi’s inner circle really knows what’s going on in China, and so my comments here are systemic observations, not claims of insider knowledge.

Many western observers have noted the centrality of Marxist-Leninist-Maoist doctrine in President Xi’s writings. This is somewhat akin to invoking America’s Founding Fathers to support one’s current policies: if you’re trying to modify state policy in China, you have to explain it in the context of the Chinese Communist Party’s history and doctrines. Never mind if the ideals were not met; what’s important is establishing continuity and resonance with the history of China, the core doctrines of Chinese Communism and the CCP’s leadership based on those doctrines.

That said, we should be careful not to read too much into doctrinal evocations such as common prosperity, which are useful conceptual anchors and slogans but not the full story.

What’s actually happening in China isn’t Marxist or Capitalist–it’s plain old non-ideological human greed, hubris and magical thinking manifesting as moral hazard running amok.. Moral hazard— the separation of risk and consequence, as speculators make increasingly risky bets because they know any losses will be covered by the state–is effectively the new State Religion in China: everyone is absolutely confident that every punter, especially all the rich, powerful, well-connected speculators–will be bailed out by the central government.

Greed knows no bounds when a speculator is insulated from risk, for people have an insatiable appetite for risky bets when the gains will be theirs to keep but any losses will be covered by the government.

This is the fundamental story of Evergrande: the implicit backstop of the Chinese government enabled near-infinite moral hazard which then fueled an explosion of debt-funded speculation with essentially zero connection to real-world risks, sales, return on capital, etc.

Both the U.S. and China have been a utopian Paradises of moral hazard for the past 30 years. In the U.S., the Federal Reserve would bail out any losses / declines in the debt-asset bubble orgy.

In China, the implicit policy was that the structural losses in state-owned enterprises (SOEs) and the speculative excesses of rapid development would be tolerated as long as real growth in employment, wages, profits and lifestyles was strong. Creating vast amounts of debt-money was necessary to support growth, and that it also supported speculative excesses was accepted as part of the price of explosive progress, much like environmental damage.

After 30 years, the equation in China has changed: debt in the official banking sector and in the informal shadow-banking sector has soared along with purely speculative excesses while « good growth » has stagnated. That’s the problem with incentivizing moral hazard: the profits from speculation, corruption and fraud far outweigh the puny profits earned by legitimate enterprises. So where do you put the borrowed billions? In Evergrande and other conglomerates of speculation.

Something else changed in 30 years of rapid development: inequality skyrocketed, and since inequality and corruption are mutually-reinforcing, corruption also reached new heights as inequality skyrocketed.

A third factor emerged after 30 years of touting technology and speculation: the power of Chinese Big Tech and financiers began encroaching on the control of the Communist Party.

All three factors inflated a debt-asset-speculative bubble of profound proportions, and President Xi grasped what the clueless Federal Reserve and other western central banks have not: Either pop the bubble when you still have some control over it or let it expand and pop when you’ve lost all control.

In systems terms, when risk and fragility reach unstable levels in tightly-bound systems, there’s no controlling the supernova-like implosion of the system.

Xi observed the skyrocketing power of Big Tech, moral-hazard-incentivized financiers and cryptocurrencies and concluded that the state must move decisively to crush these rivals, regardless of cost. This separates China from the American state, which is incapable of enforcing any sacrifices, limits or costs on the parasitic elite which dominates its economy and political order.

Xi saw the danger of Big Tech and financiers being able to buy whatever influence they needed from corrupt CCP and state officials, and he realized that this is the crucial moment in history: either crush Big Tech and the financiers / speculators or risk losing control to their interests.

Control is something the CCP and Xi want to retain, regardless of the cost to the nouveaux riche, the parasitic elites, the aspirational middle class and even the Party regulars who have supped too often and too gloriously at the corruption / moral hazard trough.

Losses will be taken and sacrifices enforced on those who don’t understand the Chinese state will no longer absorb the losses of speculative excess. Those who don’t understand the reign of parasitic private-sector elites and excessively corrupt party officials in China is over might profitably ponder this Chinese proverb: « Whoever gets mixed up with garbage will be eaten by pigs. »

Un commentaire sur “Ce qui se passe réellement en Chine – par Charles Hugh Smith.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s